jeudi 9 août 2012

Cycliste lièvre et cycliste tortue

Dans le monde du cyclisme, il y a 2 catégories de personnes : les coureurs, ceux qui font de la compétition et qui vivent au rythme des chronos, et les touristes, ceux qui vivent au rythme du soleil. Évidement, il y a des gens au milieu. J'en fais partie (de ce milieu) : le chronomètre n'est pas une obsession, mais même quand je roule en regardant le paysage, j'ai quand même une pensée pour la course à venir.

Le cycliste coureur, que j’appellerai ici le lièvre, roule vite. Le plus vite possible. En compétition il tourne souvent en rond : il fait de petits ronds autour d'un village quand il a un faible niveau, et de grands ronds autour d'un pays quand il a un très bon niveau. Il lui arrive aussi de tourner en rond sur des pistes en bois ou en béton, communément appelées vélodromes.

Le cycliste-touriste, que j'appellerai ici la tortue, roule doucement. Il a souvent les mains en haut du guidon et la tête levée. Il fait des pauses pour manger un ravitaillement qu'il tire de ses sacoches. Telle une tortue ou un escargot, il lui arrive de transporter sa maison sur son vélo : il a tout ce qu'il lui faut dans de grandes sacoches et sur son porte bagages.


Pourquoi je vous parle de tout ça ? Car certains lièvres, souvent jeunes, toisent de haut les tortues. Ils n'ont visiblement pas lu les fables de monsieur De la Fontaine. Il y a des cyclistes qui ne respectent que les gens de leur milieu : certaines tortues ne saluent que les autres tortues, et certains lièvres snobent les tortues. Certains lièvres snobent même les lièvres qui ne vont aussi vite qu'eux.

Personnellement, je voue un profond respect aux cyclo-touristes. Franchement, franchir des hauts-cols n'est pas toujours facile avec mon vélo de 8kg500, mon propre poids de 60kg et un entrainement régulier. Si on me mettait des sacoches remplies et une tente sur le porte-bagages, c'est clair que je deviendrai fou ! Au bout de 5km de montée, je décrocherai le tout et filerai sans le barda. Idem si je faisais plus de 100kg : j'adore le vélo, mais honnêtement je ne m'attaquerai ni au Galibier ni au Mont Ventoux !


En juillet 2009 j'ai grimpé le Mont Ventoux pour la 1ère fois de ma vie. Le Ventoux c'est un mythe, il me faisait presque peur. J'y suis arrivé dans une forme incroyable, probablement la meilleure forme que j'ai eu jusqu'à présent. En 1h36 j'étais en haut, j'ai fait quelques photos, et je suis descendu. J'avais fait le Ventoux, et puis voila. J'oserai presque dire "Veni, Vidi, Vici", mais je respecte trop la montagne pour dire que je l'ai vaincue.

3 mois plus tard, mon père s'est à son tour attaqué au géant de provence. Mon père ne fait que 1500km par an, n'a pas d'entraînement sérieux depuis un certain nombre d'années, un surpoids qui lui entraine des problèmes de dos, ne roule que sur le plat (ou presque, car les Monts d'Or et le Beaujolais ne sont rien à côté des alpes). Je crois que le Mont Ventoux constituait son Everest, c'était un de ses rêves et le fait que je l'ai gravi lui a donné l'envie de faire de même. Il n'osait pas le faire au début, mais à force de (bons) arguments j'ai fini par le convaincre de tenter. Il s'est préparé pendant 2 mois. Il a pédalé pendant 2h50 avant d'atteindre le sommet. 2h50 de labeur, sans compter les nombreux arrêts. Quand il m'a appelé pour m'annoncer sa réussite, je peux vous affirmer que j'étais 10 fois plus heureux pour lui qu'il l'ai gravi que quand j'y étais moi-même. Pour lui, c'était un défi là où pour moi c'était une formalité.


En toute honnêteté, j'ai plus de respect pour les personnes qui gravissent les cols avec des sacoches pleines ou du surpoids, que pour les personnes comme moi qui font des temps corrects sur ces mêmes ascensions. Franchement, grimper l'Alpe d'Huez en 1h, le Ventoux en 1h40, le Galibier en 3h30 ... il n'y a rien d'exceptionnel dans mes temps. Ils sont corrects, mais je suis fait pour ça : je m'entraîne toute l'année, j'ai 25 ans, je suis léger. Je trouve que j'ai moins de mérite qu'une personne de 50 ans en surpoids, bien qu'elle mette 3 fois plus de temps que moi. Quand je double ces personnes, je me sens toujours gêné et je leur glisse un petit mot sympa, même quand je suis à fond. Les vrais forçats de la montagne, ce sont eux !

Quand je vois le nombre de "champions" qui s'extasient devant leurs chronos dans les cols et se moquent de ceux qui vont moins vite, j'aimerai leur faire remarquer qu'ils sont loin des records des pros ... et qu'à moins de s'appeler Marco Pantani, on est tous la tortue de quelqu'un !

3 commentaires:

  1. Attention dans pas longtemps tu vas nous appelé petit scarabée ;)
    Je suis complètement d'accord avec toi et ce qui compte c'est arriver en haut !

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  2. Bien vrai !
    un joli sujet que tu viens d'écrire.

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  3. @Laurent : un peu de philosophie ne fait pas de mal. Et puis ça fait 3 semaines que je ne roule pas, je suis en manque d'adrénaline alors je compense en écrivant sur des à-côtés du vélo. Vivement que l'entraînement reprenne, que je puisse revenir aux récits de course ;-)

    @Nico : merci

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