jeudi 31 octobre 2013

Partager la route ? Une histoire de paille et de poutre !

Ces derniers jours, plusieurs accidents graves se sont produits entre des cyclistes et d'autres usagers. Certains de ces accidents ont été mortels, les cyclistes impliqués étant toujours les plus touchés. Le partage de la route n'est pas facile, d'autant plus qu'à mon goût les cyclistes se comportent comme des automobilistes.


1 - La loi du nombre
La première chose sur laquelle il est important de clarifier les choses, c'est que globalement la cohabitation se passe bien. Si on regarde les choses honnêtement, sur 1000 voitures qui vous doublent, combien se comportent mal ? Au cours des dernières sorties, j'ai tenté de faire quelques statistiques et dans 99,5% des cas tout se passe bien. Je roule principalement à la campagne et j'évite les axes routiers très fréquentés ... mais même dans un contexte urbain, le ratio serait le même. C'est statistique : plus il y a plus de voiture, plus il y a plus de chauffard en nombre, donc plus on subit d'agressions en nombre mais la proportion d'agressions reste la même.

2 - L'automobile est-elle vraiment le problème ?
Supposons que les voitures soient toutes abandonnées et que l'ensemble des transports se fasse en vélo. Sur 1000 cyclistes qui vous doubleraient au cours de la sortie, ne pensez-vous pas qu'une partie d'entre eux se comporterait mal ? Prenons le cas d'Amsterdam, une grande ville européenne où le vélo occupe une place plus importante que la voiture. Malgré des pistes cyclables de 2 voies dans chaque sens de circulation (4 voies cyclables au total), il y a des embouteillages de vélos. Quand j'étais sur place, j'ai discuté avec des personnes qui me confirmaient que certains jouaient des coudes pour passer, doublaient en passant sur le trottoir, ...
Le problème ne vient pas du nom du moyen de transport mais du comportement de la personne !

3 - La règles des 1m ou 1m50
Selon le code de la route, quand un véhicule dépasse un cycliste, elle doit lui laisser un espace latéral de 1m en ville et 1m50 en campagne. L'installation d'un mètre laser pourrait être intéressante sur le cintre, afin de faire des statistiques sur la distance moyenne à laquelle on est doublé. Cette distance, certains cyclistes sont les premiers à râler quand les véhicules ne la respectent pas ... mais nous sommes les premiers à ne pas la respecter ! Quand on remonte une file de voiture dans un bouchon ou à un feu rouge, on se faufile avec 10cm de chaque côté. Les 1m50 qu'on réclame pour notre sécurité, curieusement on les oublie totalement. Si le cycliste montre aux automobilistes qu'il ne lui faut que 10cm pour passer, il ne faut pas s'étonner que les automobiles passent quand il n'y a que 10cm. On leur donne de mauvaises habitudes.

4 - Le cycliste, un meilleur usager de la route ?
L'argument courant "je maitrise mieux mes trajectoire / mon vélo" ne tient pas debout : le risque de problème mécanique est plus grand sur un vélo que sur une voiture, et on est bien plus sensible aux mouvements de terrains (trous, fissures, ...) que les automobiles. L'argument "je maitrise" est très probablement celui de l'automobiliste qui nous frôle ... si on accepte de passer près des véhicules sous prétexte qu'on maitrise (quitte à faire peur aux automobilistes), alors il faut accepter que les automobilistes qui "maitrisent" passent près de nous (quitte à nous faire peur). Quand une voiture double ou croise une autre voiture, il n'y a jamais 1m50 entre elles. Et en général, tout se passe bien. Ils ont bien plus l'habitude de passer près d'autres usagers que nous n'avons l'habitude de passer près d'autres usagers de la route.

5 - La cohabitation avec les piétons
Le piéton est pour le cycliste ce que le cycliste est à l'automobiliste. Lorsque des piétons marchent sur une piste cyclable, ils se font insulter. Ils se font frôler, tout comme on se fait frôler. Ils se font peur tout comme on se fait peur. Certains cyclistes s'approprient un espace (la piste cyclable), tout comme certains automobilistes s'approprient la chaussée principale. Ce que j'écris est également valable sur les passages piétons (non respectés par certains cyclistes, qui se faufilent) et sur les trottoirs. Allez en ville, faites un sondage : ce qui fait le plus peur aux piétons marchant sur un trottoir ce sont les cyclistes. Le cycliste se comporte comme un automobiliste.

6 - Les feux rouges et les stops
Si le cycliste connait bien les droits que lui offre le code de la route (bénéficier d'une sécurité d'1m50, rouler à deux de front, ...), il en oublie certains de ses devoirs. Parmi ceux-ci, le respect de l'arrêt aux feux-rouges et aux stops est complètement oublié par certains. J'en fais partie de temps en temps, je l'avoue. L'argument donné par tous les cyclistes qui font ça est "s'il y a un soucis, c'est moi qui serai blessé". Cet argument oublie un fait : certes ce sera le cycliste qui sera le plus blessé, mais l'automobiliste (ou le cycliste, puisque je me suis déjà fait renverser par un vélo qui arrivait sans regarder dans ma direction) ne sera pas indemne pour autant. Il va abimer sa voiture, va perdre du temps, il peut se retrouver fragilisé psychologiquement si l'accident est violent ... notre choix de passer "avec prudence" entraine des conséquences pour d'autres.
L'accident peut également impliquer d'autres personnes. J'ai déjà vu un cycliste griller un feu, se faire percuter latéralement et se retrouver projeté sur des piétons en train d'attendre sur le trottoir. J'ai également vu un cycliste se faire toucher d'un côté de la route et se faire rouler dessus par un véhicule venant en face. Ca marque le cycliste impliqué, les 2 automobilistes et tous ceux qui ont assisté à la scène (dont des enfants, avec qui j'étais en simple piéton).

7 - Respecter les autres pour se faire respecter
Je suis un fervent partisan du "donner pour recevoir". J'applique ce principe dans beaucoup de domaines. Dans le cas qui nous intéresse ici, je le dériverai en "respecter pour être respecté". Le code de la route nous autorise certaines choses, mais il ne nous oblige pas à les faire. Oui on peut rouler à deux de front dès que la chaussée est suffisamment large ... mais elle ne nous oblige pas à le faire. Dans une circulation dense, avec peu de zones pour doubler, les automobilistes vont tenter de passer à la moindre petite ouverture. Je ne dis pas qu'il faut toujours laisser la place aux voitures, je pense en revanche que bien des situations agressives pourraient être évitées si certains cyclistes respectaient plus les automobilistes. Quand il est difficile de passer (par exemple à cause d'un terre plein central), je m'arrange pour me tasser le plus possible dès que c'est suffisamment large pour qu'ils me doublent. Je ne m'écrase pas pour autant, mais en essayant de fluidifier le trafic et en gênant le moins possible les autres (quand ma propre sécurité le permet), je me rends compte que les choses se passent très bien. Quand on roule au milieu de la route et qu'on empêche les autres de passer, il ne faut pas s'étonner si on se prend un retour de moteur. Partager la route avec les voitures, ce n'est pas se l'approprier face à elles.

8 - Le risque 0 n'existe pas
Quel que soit le moyen de transport, quoi qu'on fasse, le risque 0 n'existe pas. Je ne fais pas de vélo pour aller au devant de la mort, mais je sais qu'elle peut arriver à tout moment. Une crevaison dans une descente, une trajectoire manquée, ... je suis un humain comme un autre, je peux faire une erreur ou avoir un problème mécanique. Il en est de même quand je conduis ma voiture : je peux sortir un poil trop large d'un virage ou avoir une seconde d'inattention. J'ai connu un éclatement de pneu à 130km/h sur autoroute. Croyez-moi, ça secoue. Si ça se produisait sur une voiture me doublant à 1m50 et roulant à 70km/h, elle pourrait m'envoyer dans le décor. J'ai déjà fini sur la voie de gauche (voir dans le fossé) plusieurs fois en loupant mes virages. J'ai déjà fini dans des barbelés. Si une voiture était arrivée au moment où j'étais du mauvais côté de la voie, j'aurai pu me blesser sévèrement voir mourir. Une voiture qui passe près de nous ou nous coupe légèrement la route n'est pas forcément mal intentionnée, elle commet bien souvent une erreur d'appréciation sur la distance qui nous sépare et/ou notre vitesse. On condamne la faute des autres, contre qui on râle, mais on oublie de condamner nos propres erreurs.


Conclusion - Cyclistes et automobilistes, nous sommes tous des humains !
Respectons les autres usagers de la route, regardons la propre paille que nous avons dans notre oeil avant de regarder celle dans l'oeil des autres. Nous, cyclistes, ne sommes pas parfaits. Les automobilistes ne sont pas parfaits non plus. Partageons la route en nous respectant tous.

2 commentaires:

  1. Bien vu. Pas mal de réflexions intéressantes dans ton article (j'ai notamment aimé le paragraphe sur les cyclistes capable de se faufiler entre les voitures...).
    Le seul bémol que j'y apporterai concerne la vulnérabilité des cyclistes... Là où, de mon points de vue, les automobilistes ou chauffeurs poids-lourds, se doivent d'avoir un comportement irréprochables c'est que, en cas d'erreur ou de négligence, ils ont entre les mains un engin capable de tuer un cycliste (ou un piéton)... La réciproque n'est pas vraie.

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  2. Merci.

    Il est vrai qu'en cas de choc, c'est toujours nous qui trinquons physiquement. Le conducteur de voiture / camion / scooter s'est sort toujours bien mieux, quel que soit celui à l'origine de l'erreur.

    On est à la fois plus vulnérable physiquement en cas d'accident, et plus facilement déséquilibrables : un coup de vent, un trou, une petite touche (avec le trottoir par exemple), ... et on fait un écart.

    Florent

    PS : j'ai un de mes amis qui a tué un jour un piéton, il ne l'a pas vu traverser ... le casque a joué le rôle de bélier, le mec (un quadra en bonne santé) est mort.

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