dimanche 22 juin 2014

Bordeaux-Paris : les enseignements

Je vous l'avais dit en conclusion de mon article sur Bordeaux-Paris, je tire en certain nombre d'enseignements de cette expérience. Je vais vous synthétiser tout cela dans cet article.


©extralagence.com


24 heures de selle, mais pas au delà !

Je vous avoue que j'ai découvert les limites de ma passion pour le cyclisme. J'ai envie de tout découvrir (route, piste, VTT, cyclocross, bicross, ...), dans tous les formats (de la randonnée à la course par étapes, en passant par les critériums) et sur tous les terrains / décors (du plat en bord de mer à la haute montagne) ... mais pas sur plus de 24 heures consécutives de pratique.

Mes expériences sur la Haute-Route, le Tour de Sardaigne ou lors du Tour, allant d'une semaine à trois semaines, ne m'avaient jamais poussé dans les limites de ma passion. Malgré quelques passages délicats, pour ne pas dire désagréables un bref instant, j'étais certain de faire ce que j'aimais. En revanche, sur la fin de Bordeaux-Paris, quand l'horloge a fait 2 tours de cadran (le soleil, lui, ne faisant qu'un seul tour de la Terre durant ce laps de temps), j'en avais marre de pédaler. Je voulais faire autre-chose, peu importe ce que c'était, mais j'étais lassé de pédaler.

Ce Bordeaux-Paris était pour moi un test : je me posais des questions sur une éventuelle participation au Paris-Brest-Paris de l'an prochain (1200 kilomètres), et d'autres questions sur la RAAM (mon rêve ultime, 4800 kilomètres). J'ai désormais ma réponse : ça ne m'intéresse pas. Ca ne m'intéresse plus à l'heure actuelle, ce n'est plus à l'ordre du jour ... pour le moment.


Une nuit sur le vélo, ça se fait sans soucis

Je me posais des questions sur le fait de rouler la nuit : le sommeil risquait-il de frapper d'un coup sec ? Je me suis rendu compte, sur mon propre cas ainsi qu'en discutant avec les cyclistes autour de moi, que personne n'avait eu envie de dormir pendant la nuit. A aucun moment nous n'avons lutté contre le sommeil, on est tous resté éveillé sans peine.

Naturellement, nous avons tous mis ça sur le compte de l'effort qui nous tenait éveillé. Comment dormir quand nos cuisses se contractent 80 fois par minute et que les relais reviennent toutes les 5 minutes ? Le corps comme l'esprit sont mobilisés toute la nuit, l'un devant fournir le maximum d'énergie pour avancer, l'autre devant rester concentré sur la route et sur l'alimentation.

Même après l'épreuve, malgré 24 heures passées à pédaler, je n'avais pas spécialement sommeil. Oui j'étais fatigué, mais je n'avais pas envie de dormir. Sur les épreuves combinant plusieurs nuits, en revanche, je ne suis pas certain que ce soit toujours le cas, mais sur une seule nuit ça passe sans soucis (si on a bien dormi les nuits précédentes).


La fatigue, pire que l'alcool ?

Le lundi midi, après une nuit en région parisienne, j'ai pris la voiture pour rentrer sur Lyon. Ca a été le pire trajet de ma vie de conducteur. Par principe, je ne bois pas si je conduis, je n'ai donc jamais connu l'expérience de conduire ivre. Pourtant, sur l'autoroute, mes réflexes étaient totalement freinés : chaque décision à prendre était plus lente, chaque chose que je voyais et qui nécessitait une adaptation de la conduite mettait des secondes à remonter au cerveau.

J'ai enfin compris à quoi servait l'indication "A la prochaine aire, faites une pause !" qu'affichent les panneaux lumineux. J'en ai fait plusieurs des pauses, pour me détendre et reprendre des forces. Pour rester en vie. Une heure à dormir dans sa voiture sur autoroute, c'est mieux qu'une semaine à dormir à l’hôpital. Ces panneaux lumineux, que j'ai toujours snobé et pour lesquels je me suis toujours dit que j'étais suffisamment grand pour savoir quand prendre mes pauses, permettent en réalité à ceux qui doutent ("celle là ou la suivante ?") de faire un choix : si le panneau me le dit, alors je le fais. Je suis rentré entier, pas fier de moi d'avoir conduit dans cet état (mais fier de m'être arrêté plusieurs fois), en me disant que c'était la seule fois où je conduirai dans ces conditions. Plus jamais ça.


L'alimentation et l'hydratation : pensez à la diversité !

Lors de ma première sortie dépassant les 200 kilomètres de l'année, qui correspondait à Gent-Wevelgem, j'avais éprouvé une lassitude à la consommation de boissons énergétiques. Etixx, sponsor de l'épreuve, ne proposait qu'un seul parfum qui a fini par me dégouter. Au bout de 8 heures de selle, j'avais du mal à boire leur boisson énergétique. J'étais écoeuré. Découvrant cette marque, je pensais que leur produit était de mauvaise qualité ou mal dosé.

Sur les longues épreuves qui ont suivi, notamment le Ronde van Vlaanderen (Tour des Flandres, 245km) et Liège-Bastogne-Liège (285km), c'était Aptonia qui était partenaire de l'épreuve et qui proposait deux parfums aux ravitaillements. C'est ce que j'ai toujours fait depuis des années : je pars toujours avec deux parfums différents (voir deux marques différentes, c'est encore mieux !) dans mes bidons, pour justement éviter toute lassitude. Sur ce bordeaux-Paris, j'ai découvert que je pouvais me lasser de toute boisson, y compris de l'eau plate. Ca peut sembler incroyable, mais ça a réellement été le cas. Croyez-moi, ne plus rien pouvoir boire n'a rien de drôle.

J'ai découvert le même phénomène vis à vis des barres de céréales. Manger les mêmes barres pendant près de 20 heures a fini par me dégouter. Je n'avais pas de problèmes pour manger en roulant, je n'avais pas de problème pour manger tout court, mais impossible de manger une barre de céréales supplémentaire. Mastiquer ça allait, avaler était impossible.


Pour finir un ultra, inutile de s'entraîner en ultra

405 finishers sur 450 participants, soit 90% de réussite. On pourrait presque croire à un taux d'élection "démocratique" dans un régime dictatorial. Pourtant, il n'y a eu aucune triche massive (*) ni aucune corruption : 90% des participants ont bien terminé l'épreuve dans les délais.

Pour la majorité des participants, il s'agissait d'une découverte de ce type d'effort. Pour la majorité des participants, les sorties d'entraînement se limitaient à 220 ou 260 kilomètres. Je n'ai pas fait exception à la règle : je n'avais que 3 sorties au delà des 200 kilomètres, dont une seule de plus de 250. J'avais environ 4000 kilomètres au compteur depuis le début de l'année, rien d'extraordinaire donc. Je suis (vraiment) très loin d'être une force de la nature. Je ne suis pas un surdoué de la petite reine.

Si je l'ai fait, n'importe qui peut le faire. Comme le montrent les chiffres au dessus, pour le faire il ne faut rien faire d'extraordinaire mais il faut tout de même se préparer. Il est évidement qu'on ne réussit pas une telle épreuve sans un minimum d'entraînement et sans un maximum de volonté. Cependant, ça reste à la portée de n'importe quel cycliste.


(*) selon certaines sources fiables, il semblerait tout de même qu'une poignée de concurrents ait triché pour améliorer son classement, notamment en prenant l'aspiration d'une moto ou en montant dans une voiture. Mais la triche de certains n'est pas spécifique à cette épreuve.


Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés à Bordeaux-Paris.

7 commentaires:

  1. Salut Florent,

    Je voulais savoir quel était ta taille, ton poids actuels et ton poids de forme ?

    Romain

    PS : Moi j'ai 15 ans et je fais 176cm pour 70 kg et j'aimerais savoir quel serait mon poids de forme ou comment on le calcul ?

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  2. Merci Florent pour ce compte rendu très intéressant de ta sortie, pardon raid de 600 km. Pour ma part, c'est le surentrainement dont je me moquais qui me guette ;-)

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  3. @romain : à mon niveau et à ton age (15ans), parler de poids de forme est inutile. Pour ma part, je mesure 1m80 et je pèse 62kg. Je précise que je mange ce que je veux quand je veux, que je ne me prive de rien et que je me fous royalement de mon poids.

    Je vais rester sur ton cas, pour répondre à ta question : à 15 ans tu es en phase de croissance, l'entraînement que tu effectue et qui évolue te fais prendre de la masse musculaire. Si tu essaie maintenant d'atteindre un certain poids, tu risque de provoquer des carences qui seront néfastes à ton développement. Laisse la notion de 'poids de forme' aux adultes définitivement constitués (au delà des 22 ans en général) et roule sans privation. Ca ne fera que te dégouter.

    @samper ubique : le sur-entraînement, il ne faut pas trop rigoler avec ça. Lève le pied quelques semaines, ça ira mieux ensuite ;-)

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  4. "le soleil, lui, ne faisant qu'un seul tour de la Terre durant ce laps de temps"

    Je ne sais pas si c'était une boutade, mais c'est bien la Terre qui fait une rotation sur elle même en 24h...

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  5. Ce n'était pas une boutade volontaire, mais une formule maladroite. Je voulais initialement dire qu'il avait "traversé l'horizon", mais cette formulation n'incluait pas la nuit donc ne me satisfaisait pas vraiment.

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  6. Pour avoir déjà eu cette sensation d'avoir atteint le maximum supportable après une course de 24 heures, laisse encore passer un mois ou deux et le "plus jamais ça" va se transformer en "pourquoi pas à nouveau dans quelques années" et quand tu auras un peu suivi l'édition 2015 sans y participer, tu vas te dire "en 2016 je suis au départ sans faute".

    Pour une découverte du "vrai" VTT, fais-moi signe : il y a un super terrain de jeu autour de chez toi.

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  7. J'ai dit "pas plus de 24 heures" ... l'objectif sera donc de refaire Bordeaux-Paris mais en moins de 24 heures ;-)

    Je ne pense pas y aller l'année prochaine (l'année 2015 risque d'être spéciale), mais en 2016 ou 2017 il y a de grandes chances pour que j'y retourne.

    Pour le VTT dans les Monts d'Or, j'en ai fait une dizaine d'années, je sais bien que le spot est superbe. Entre les pierriers, les chemins dans les bois, les champs, ... il y a un peu de tout à portée de roue.

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