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dimanche 21 avril 2013

200km, ou quand le corps devient une machine industrielle

Aujourd'hui, dans ma logique de progression en prévision de Bordeaux-Paris, je souhaitais faire une sortie d'au moins 6h et d'au moins 180km. Finalement, la sortie aura duré 7h20 et j'aurai parcouru 200km. Si je devais définir le moment le plus difficile de la journée, je répondrai sans hésiter avec ces quelques mots : "c'est la montée des escaliers de mon habitation" !

J'ai retrouvé Julien comme convenu. Ensemble nous nous sommes échauffés en traversant intégralement Lyon afin de rejoindre Benjamin et Maxime. Les rues étant désertes, nous n'avons pas été gênés par la circulation et nous sommes arrivés au point de rendez-vous très en avance. Nos deux compagnons sont arrivés à l'heure convenue, c'est donc à 4 que nous nous sommes attaqués à une reconnaissance du grand parcours des 1000 bosses.

Les premiers kilomètres se sont bien passés. Mon corps ne répondait pas trop mal. Dans les deux premières bosses, j'étais dans la roue de Benjamin, et j'ai été frappé par la différence de style : on a un gabarit très similaire, par contre il a un coup de pédale magnifique à regarder. C'est fluide, c'est léger, ça tourne rond comme une horloge suisse ... mon coup de pédale est un peu plus lourd et un peu plus heurté. Le mécanisme de mon horloge semble encrassée. A l'oeil nu, on sent la différence entre un coureur ayant un très bon niveau élite, et moi.

Dans la première vrai bosse (les deux premières du parcours étant relativement courtes et roulantes), qu'on a abordé sans prendre le véritable itinéraire de la course (on a loupé un embranchement, mais ça revient au même au final), j'ai fait une erreur. J'ai voulu suivre le rythme de mes compagnons dans la partie la plus dure, et rester au contact ... je me suis mis un long moment dans le rouge, ce que j'ai payé ensuite. Le vélo est un sport où chaque erreur se paie à un moment ou à un autre. Cette montée à confirmé mon ressenti de la première reconnaissance (faite le 1er avril) : ce n'est pas du tout un tracé fait pour moi. C'est très irrégulier, il y a énormément de changements de rythme. C'est tout ce que je déteste en course.

La descente s'est globalement bien passée. La route étant mouillée, nous n'avons pas pris de risques et chacun a assuré ses trajectoires. Ca ne sert à rien de se tirer la bourre à l'entraînement dans ce genre de cas. J'ai juste eu du mal à doser certains freinages : mes freins s'étant pas mal usés ces derniers jours, ils étaient un peu loin des jantes du coup je freinais parfois de manière un peu brusque. J'ai profité de la montée suivante pour resserrer mes freins en roulant, et ainsi améliorer ma sécurité. La mécanique de toute machine se règle.

La deuxième vraie montée s'est bien passée : j'ai lâché prise du groupe un peu tôt, puisque j'étais occupé à resserrer mes freins, et je n'ai pas pu faire l'effort pour revenir dans les roues. J'ai encore bien limité la casse, restant quelques centaines de mètres derrière. La montée m'a semblé plus facile que lors de la première reconnaissance. Pourtant le vent était sensiblement identique. Je pense que j'ai mieux dosé mes efforts d'une part, et qu'en 3 semaines j'ai légèrement progressé d'autre part. Nous avons ensuite enchainé plusieurs montées, sur Duerne puis Aveizé, qui étaient plus courtes que les deux longues bosses précédentes. Je suis resté au contact du groupe, ne lâchant que quelques mètres sur la fin des bosses.

Quelques gouttes de pluie sont venues tremper le sol, ce qui a sali nos vélos et nos tenues. La longue descente a donc été fraiche et humide. On a court-circuité une des bosses du parcours de la course, afin de rejoindre directement l'ascension du col de la croix de part. Un col qui me laisse systématiquement un goût amer : la première fois que je l'ai gravi, j'ai vomi tripes et boyaux suite à une insolation. La deuxième fois j'étais complètement cuit et j'avais été obligé de mettre pied à terre plusieurs fois. La troisième fois j'avais juste souffert mais de manière normale car c'était lors des 1000 bosses 2007. Enfin, la quatrième et dernière fois que je l'ai emprunté, en avril 2008, j'y ai subi la fringale la plus douloureuse de ma vie, qui m'avait dégoutée du vélo au point que j'avais songé à arrêter définitivement ce sport parfois si ingrat.

5ans plus tard, et sans le moindre regret sur le fait d'avoir poursuivi la pratique de ma passion, j'ai donc ré-emprunté la route menant au col. J'ai bêtement lâché prise du groupe avant même le pied du col : je me ravitaillais, le rythme a brusquement accéléré à la faveur d'un petit coup de cul, j'ai bouché le trou et j'ai directement craqué. Je crois que psychologiquement, je craignais vraiment de revivre un calvaire donc je n'ai pas voulu me mettre dans le rouge avant le pied. Je les ai laissé filé, terminant proprement mon ravitaillement. Il ont du m'attendre deux bonnes minutes en haut. J'ai fait une montée propre et correcte. On a fait des photos au col mais elles ne rendent rien, l'éclairage étant vraiment mauvais à cause du ciel gris.



On est descendu, on est remonté au col de Malval, puis on est définitivement descendu des Monts du Lyonnais afin de raccompagner Maxime. Julien, Benjamin et moi-même avons poursuivi notre route sur les quais de Saône. Le vent étant de face, et sachant que j'allais rallonger plus qu'eux, je me suis planqué dans leurs roues afin de bénéficier d'un abri et conserver mes forces pour la partie où je serai seul. Ils ont maintenu un tempo régulier jusqu'à Neuville, où nos routes se sont séparées. J'avais déjà 150km au compteur et 2400m de dénivelé.

Une fois seul, j'ai réussi à maintenir un tempo intéressant. Au moment de franchir le panneau de Morancé, un mec m'a doublé sur la panneau puis s'est relevé. J'ai été complètement surpris, je pensais être seul. En me retournant j'ai vu que j'avais plusieurs cyclistes sur le porte-bagage. J'ai interrogé celui qui m'a devancé au panneau et lui ai demandé combien de kilomètres il avait. "25, on vient de partir". J'ai souri en regardant mon compteur qui m'en affichait 167, ce que je me suis bien gardé de lui dire. Nos routes se sont séparées, mon porte bagage s'est vidé. J'ai passé le cap des 180km et ai voulu me lancer le défi d'atteindre les 200km.

Je me suis rendu compte qu'à ce stade, je roulais de manière purement mécanique. Je n'étais même plus trop conscient de pédaler. Les jambes tournaient sans que je ne demande rien, ma main allait chercher mon bidon à intervalles réguliers sans que je m'en rende compte. Je ressemblais à une machine industrielle auto-programmée. Je me sentais comme un de ces robots de chaine d'assemblage de voiture, qui font en permanence le même geste de manière répétitive avec une régularité parfaite. La seule différence entre un robot et moi, c'était que je fatiguais alors qu'eux répètent inlassablement le même geste sans faiblir. Les derniers kilomètres m'ont semblé très longs, surtout le dernier pour lequel j'avais l'impression que mon compteur était bloqué à 199. Le chiffre 200 a fini par apparaitre, j'étais soulagé et content.

J'ai fini fatigué mais pas épuisé. J'aurai physiquement pu rouler encore des kilomètres à ce rythme s'il l'avait fallu. Par contre, nerveusement, je commençais à en avoir marre : j'ai fait les 2 dernières heures seul, et le plus dur était de rester concentré afin de maintenir l'allure et de ne pas me laisser "endormir". Avec 200,2km, il s'agit de la 4ème sortie la plus longue (à ce jour) de ma vie. Mais au vu de ce qui m'attends fin mai sur Bordeaux-Paris, puis cet été, elle va vite perdre sa place du Top10 !


Je tiens sincèrement à remercier Maxime, Benjamin et Julien pour leur présence à mes côtés pendant une bonne partie de cette sortie. J'ai énormément apprécié leur attitude compréhensive sur mon niveau inférieur au leur, et leur bienveillance à mon égard. Ca aide beaucoup, surtout psychologiquement, de pouvoir rouler en groupe sur ce genre de long effort.

Consultez les détails de notre entraînement.

Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés à Bordeaux-Paris.
Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés au Tour de Fête.

3 commentaires:

  1. Bravo pour ta sortie de 200km et une belle moyenne pour un parcours accidenté.

    Comparé à mon niveau de cyclotouriste où je peine à passer les 100 bornes et une moyenne inférieure à 25, je suis impressionné par ta perf.

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  2. Merci pour les éloges sur mon "coup de pédale", plutôt flatteur ;)

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  3. @david : merci. Ne t'en fais pas pour tes distances et tes moyennes : l'important c'est de se faire plaisir. On a tous des moyens physiques différents, et des possibilités d'entraînement différentes. Amuses toi sur 2 roues, le reste ce n'est que du bonus.

    @benjamin : de rien

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