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samedi 6 juillet 2013

TDFête étape 9 : Saint-Girons - Bagnères-de-Bigorre

Le départ a été moins matinal que les jours précédents car l'étape était plus courte et que demain nous bénéficierons d'une journée de "repos" (de transfert plutôt). 5 cols sont au programme du jour, il s'agit d'une étape comme je les aime : de la montagne, rien que de la montagne. Peu de plat, les ascensions s'enchaînent sans répit. Me voila enfin dans mon élément. Le départ a été donné à 9h30, avec 30 minutes de retard sur l'horaire prévu. L'étape ne faisant que 170km, personne ne s'est affolé sur le non-respect de l'horaire.


On a fait près de 30 kilomètres de remontée de vallée. Je me suis mis à l'avant du groupe car je me sentais bien et que visiblement personne n'avait très envie de se mettre devant. Les deux rudes ascensions de la veille pesaient encore dans les jambes de certains. En passant dans un village, un radar mal réglé nous a indiqué qu'on passait à 80km/h : à cette vitesse là, en légère montée, l'étape aurait du être très rapide, on aurait dû arriver à l'hôtel pour le repas du midi.

© Mickael Bougouin

La montée des deux premiers cols s'est bien passée, j'ai fait le train pour le gruppetto. La vitesse n'était pas très élevée mais au moins j'étais certain que personne n'allait exploser avant le sommet. La chaleur s'est fortement faite sentir dès la première montée. Je suis arrivé au col complètement trempé, le maillot qu'on utilise est magnifique mais sa texture n'évacue pas la sueur. C'est extrêmement désagréable. Certains ont commencé à s'arroser la tête dès le premier col. Une journée caniculaire de chasse au bidon s'annonçait.

La première descente s'est bien passée, tout le monde a été prudent et certains ont fait une pause devant la stèle Fabio Casartelli. Quand on passe au virage dans lequel il s'est tué, on ressent une sensation étrange : les poils se dressent sur les bras comme sur un gros matou voulant faire peur à un chien. La seconde descente était moins technique et plus roulante. En bas de la descente, le motard qui véhicule le caméraman s'est brisé la clavicule en manipulant sa moto à l'arrêt. Pour la première fois du séjour, le service médical qui nous accompagne a eu un vrai cas à gérer. Jusqu'à présent, leurs interventions étaient plutôt bénignes : quelques ampoules, des piqures d'insectes, des nez qui coulent … rien de bien méchant.

On a fait un bout de vallée afin de rejoindre Bagnères de Luchon, où était prévu notre repas du midi. A quelques kilomètres du repas, notre équipe médicale a porté assistance à un Belge en difficulté. Il était arrêté sur le bord de la route, bras posés sur son guidon, tête penchée vers le bas. Les symptômes classiques du cycliste mal en point. Il est monté dans notre bus balai, ses équipiers ont poursuivi leur route. La pause repas s'est faite dans une belle bâtisse communale, grâce à la famille Lapébie (célèbre dans le milieu du cyclisme) qui nous a accueillie.


A peine le repas terminé, on a attaqué la montée du col de Peyressourde. On a cuit comme des petits pains, le thermomètre a flirté avec les 40° ! Parmi les nombreux supporters massés dans la montée, une camionnette a particulièrement attiré mon attention : elle était maquillée spécialement pour le groupe de musique AC/DC. Leur chanson "highway to hell" symbolisait bien notre ressenti du moment, nous étions en pleine route pour l'enfer. Je me sentais bien, mais je suis resté à l'arrière du gruppetto : il y avait du monde pour me remplacer au poste de chef de file, et du monde pour pousser à ma place. J'ai eu moins de travail, j'en ai quand même fait quand je sentais que les autres faiblissaient et avaient besoin d'un relais.

Nous sommes passés au col de Peyressourde vers 17 heures. Il nous restait encore 2 cols à franchir, et certains se sont (enfin !) inquiétés de l'horaire d'arrivée. La montée suivante a été expédiée à grande vitesse : il y avait beaucoup de monde pour pousser les plus faibles, du coup j'ai pu me reposer. J'ai géré mon effort, j'ai senti que mes genoux n'aimaient pas trop les séances de force que je leur imposais. Les supporters, très présents depuis l'ascension de Peyressourde, étaient encore plus nombreux ici. Les encouragements étaient quasiment continu, le public est bien rentré dans le jeu, c'était génial.


La dernière montée a été spéciale pour moi : étant parti depuis près de 10 heures, je me suis cherché un camping-car pour y trouver des toilettes. J'ai eu un refus d'un espagnol, puis un breton m'a accueilli à bras ouverts. J'ai pris mon temps, puis le temps de discuter et de lui donner un bidon en remerciement. J'ai pu lâcher les chevaux afin de rattraper le retard volontairement pris. Je me suis amusé, j'ai fait plusieurs kilomètres à 170bpm, les jambes tournaient à la perfection, le coeur répondait comme s'il était neuf. J'étais libre, j'étais heureux. Au passage, je poussais quelques dizaines de mètres les coureurs que je doublais, jusqu'à ce que je revienne dans le paquet principal. Excité par cette chasse, j'ai poussé les plus faibles jusqu'au sommet.


Dans les derniers kilomètres, c'était l'orgie au niveau des supporters. Il était près de 20h, le soleil était en train de se coucher, le public mangeait le long de la route. On nous a proposé une quantité hallucinante de bières et de boissons alcoolisées. Dans la descente, même topo : beaucoup de public en plein milieu de la route, un immense feu de bois et de la musique électro qui résonnait dans une longue combe. Je n'avais jamais vu ça, une ambiance incroyable. Le Tour a un pouvoir d'attraction incroyable, il faut le vivre pour le croire. C'était extraordinaire.

Malheureusement pour le groupe, la grande fête a été gâchée dans cette descente : une vache effrayée a traversé la route devant notre peloton. Cette vache a percuté Ingrid, dont les performances m'impressionnaient encore un peu plus chaque jour, qui m'aidait régulièrement à pousser les plus faibles, qui s'est mangé une étape de 200 kilomètres en finissant aussi fraiche que nous. Les ambulanciers l'ont mis sur le brancard et l'ont emmené aux urgences de Tarbes. Je ne souhaitais à personne de chuter, mais j'avoue que sa chute m'ennuyait particulièrement : elle était en train de démontrer, sans le savoir, ce que j'ai toujours dit : une femme a les mêmes capacités qu'un homme, une femme peut faire le Tour en entier tout comme nous. Je reste persuadé, avec ce que j'ai vu, qu'elle aurait pu le faire et prouver que j'avais raison.

L'arrivée à Bagnères de Bigorre s'est faite à 21h, soit 11h30 après le départ. Nous étions tous explosés par la longueur de la journée. Une heure de bus, un repas, et on a enfin pu se coucher.

Bilan : 172km, 8h42 de selle, 4000m de dénivelé et 126 bpm en moyenne.
Consultez mes données et notre parcours.

Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés au Tour de Fête.

3 commentaires:

  1. Simple curiosité mais en fait je me demandais quel braquet utilise-tu ?

    Sinon bon rétablissement à celle qui a chuté.

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  2. Salut Florent,
    Je suis un peu surpris par tes propos lorsque tu dis "une femme a les mêmes capacités qu'un homme, une femme peut faire le Tour en entier tout comme nous"...
    Je rappelle que, il y a quelques années existait un Tour de France féminin et que ces dames ont alors largement prouvé qu'elles pouvaient, elles aussi, faire le Tour. Je ne vois pas pour quelles raisons une femme ne serait pas capable de réaliser ce genre de choses... Elles ont deux bras et deux jambes, comme les hommes !
    Pour le reste, j'espère que ça va et je te souhaite bon courage pour la suite.

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  3. @lotto : nous utilisons tous un braquet 50/34 à l'avant, et une cassette 12/28 à l'arrière

    @franck : tout à fait, il y avait la grande boucle féminine et le Tour de France féminin, il existe toujours le Giro Done ... mais le parcours des étapes est différent de celui des garçons.
    Sur "notre" Tour, les féminines coupent des morceaux d'étape car elles pensent que ce serait trop dur de tout faire ... je suis persuadé qu'elles le peuvent, et Ingrid le démontrait.
    Ma phrase était donc dans le même sens que toi, c'est bien ce que j'ai dit : "une femme a les mêmes capacités qu'un homme, une femme peut faire le Tour en entier tout comme nous".

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