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jeudi 24 janvier 2013

Ces sprinteurs qui ne passent pas les ponts d'autoroute

Il y a une chose bien connue dans le milieu des cyclistes du dimanche (et ceux de la semaine, comme moi) : "Mark Cavendish [ndlr : ou tout autre sprinteur] ne passe pas un pont d'autoroute". Pour les non-initiés au langage cycliste, un pont d'autoroute est la plus petite chose qui se grimpe. Ne pas être capable de passer un pont d'autoroute est une moquerie pour dire que le coureur est un piètre grimpeur. Autre note pour les non-initiés : Mark Cavendish est le champion du monde 2011 et le meilleur sprinteur du circuit professionnel depuis quelques années.

Les commentateurs sportifs, pas toujours très bien éclairés (surtout si vous regardez le vélo sur les chaines publiques françaises), répètent sans cesse au cours des étapes de montagne que les sprinteurs sont de très mauvais grimpeurs. Le grand public buvant ces paroles comme de l'eau bénite, cette phrase a fini par se retrouver dans la bouche des cyclistes du dimanche (et de ceux de la semaine). J'en entend même dire que tant que Mark Cavendish [ndlr : ou tout autre sprinteur] sera aussi gros, ils ne sera pas prêt de passer une côte.


Commençons par regarder les bosses, telles que celles auxquelles les pros font face en début de saison lors de Milan-Sanremo. Le poggio, à quelques kilomètres de l'arrivée, propose une montée de 4km à 3,7%. Les coureurs, y compris les sprinteurs, l'avalent après 280km à une vitesse bien supérieure à celle à laquelle roulent les bons cyclistes du coin lors d'un court entraînement. L'année de sa victoire, Mark Cavendish a grimpé les 4km de montée en 6'16", soit une moyenne flirtant avec les 38,4km/h. Heureusement qu'il ne passe pas les ponts d'autoroute !

Passons à l'autre extrême et regardons ses performances en haute montagne. Si on regarde le temps du dernier pro du Tour, et le temps du meilleur de l'étape amateur du Tour, on se rend compte que sur l'étape complète les "mauvais grimpeurs" professionnels sont plus rapides que les "meilleurs grimpeurs" amateurs. Si on regarde la 11ème étape du Tour 2012 entre Albertville et La Toussuire, avec très peu de vallées, Mark a mis 20 minutes de moins que le vainqueur de la cyclosportive. Sachant qu'il y avait peu de vallées et qu'il a été lâché avant le pied du premier col de l'étape, il n'a pas bénéficié longtemps de l'aspiration du peloton. Les routes étant entièrement fermées à la circulation sur les 2 étapes, il n'a pas eu de réel avantage de ce côté la. La météo était différente lors des deux courses, mais ça n'explique pas les 20 minutes d'écart.

Si on fait un focus sur une montée pure, on se rend compte que la encore les "mauvais grimpeurs" font des temps qui laissent rêveur la majorité des cyclistes. Lors de l'étape du Tour 2011 entre Modane et l'Alpe d'Huez, les plus lents chez les professionnels ont grimpé l'Alpe d'Huez en 1h05. Les cyclistes amateurs qui grimpent l'Alpe d'Huez en moins d'une heure sur une montée sèche sont nombreux. Ceux qui montent en plus d'une heure sont beaucoup plus nombreux. Ils sont encore plus nombreux à ne pas le faire quand ils ont grimpé le Galibier avant. Et encore, ils n'ont pas eu 19 étapes réparties sur les 21 journées précédentes !


En conclusion, les sprinteurs mauvais grimpeurs professionnels sont meilleurs grimpeurs que la grande majorité des cyclistes, y compris les bons coureurs amateurs. Avant de dire qu'un coureur est mauvais en montagne, certaines personnes devraient regarder les temps de ces "mauvais", regarder leurs propres temps, et comparer.


[ajout le 25/01 à 23h30] Suite à une remarque de Rémi P. sur twitter, le départ réel des professionnels a été donné 6km après le départ fictif du centre d'Albertville. Il y a donc une partie de l'écart qui s'explique par cette différence de point de déclenchement du chronomètre.

4 commentaires:

  1. Voilà une réflexion que je me fais depuis un bon moment. Allant souvent voir les pros pour les photographier, même dans un col, les sprinters avancent tout de même à un bon rythme.
    Je serai déjà bien content de pouvoir grimper 5km/h moins vite qu'eux.

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  2. J'ai apprécié cet article Florent.

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  3. D'autant plus que les derniers dans les étapes de montagne sont loin d'être à fond...

    Par contre pour les 20 min de différence que tu as évoqué, en fait elles se retrouvent largement avec les vallées où un groupetto va rouler extrêmement vite, sans doute plus vite que la tête de course. On relâche dans les cols et on blinde sur le plat. Dans les cyclosportives, généralement les coureurs sont beaucoup plus isolés.

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  4. Vraiment intéressant comme d'habitude.

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