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vendredi 26 avril 2013

Aux piétons que l'on croise

Je sais que vous attendez avec impatience des informations sur le "Tour de fête", mais il va falloir patienter encore un peu. Ce n'est pas pour ce soir, il me manque encore quelques infos.

Ces deux derniers soirs, en rentrant de l'entraînement, j'ai vu des choses qui m'ont donné envie de vous parler des piétons que l'on croise pendant les entraînements. Hier soir, juste après avoir quitté Julien, je suis tombé nez à nez avec une charmante demoiselle dame qui pleurait en marchant sur le trottoir. Une situation banale me direz-vous. Oui, mais elle marchait en boitillant, la faute à un lourd pack de bière tenu dans sa main droite. Toujours banal me répondrez-vous. La dévisageant de la tête aux pieds, comme le fait toute personne mal élevée dans cette situation, j'ai remarqué qu'elle était pieds-nus. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'elle se promène pieds-nus en pleurant et avec un pack de bière ? Vous ne le saurez jamais, car je ne le sais pas.

La veille, mercredi, pendant que je raccompagnais Julien chez lui, nous sommes tombés sur une femme qui hurlait. 800m plus loin, nous entendions encore ses cris qui résonnaient dans les ruelles étroites de Collonges ! A ses pieds, sur le trottoir, se tenait un corps que j'ai d'abord pris pour un enfant ... c'était un chien. J'ai pour coutume de dire que le vélo est l'école de la vie, et dans la vie on croise parfois la mort. Sur mes deux roues, je l'ai déjà vu frapper plusieurs fois, y compris des êtres humains. A l'école de la vie, tout n'est pas rose.

A vélo, on croise aussi une majorité de piétons heureux. Je garde en tête des centaines d'images d'enfants qui me sourient, parfois me font un geste de la main. Je repense régulièrement à ce petit garçon qui était porté sur le dos par son père dans le col de la Colombière : au plus dur de la pente, à proximité du col, il se retournait le plus qu'il pouvait pour me regarder et me faisait de grands signes de la main. Il a du avoir un sacré torticolis le soir. Un petit signe de la main en passant à son niveau a illuminé encore plus son visage. J'avais beau en avoir plein les jambes, son sourire m'a redonné un peu de vigueur. Je ne saurai dire combien de fois cette scène s'est produite, en montagne on croise de nombreux randonneurs avec enfants.

Des enfants, j'en croise régulièrement. De tous âges : des bébés portés à ceux roulant sur de petits vélos, ce sont ceux que je préfère. Ils sourient, dans leur regard on a l'impression qu'ils voient passer un champion. Ils courent parfois pour nous voir de plus près. Un petit geste suffit à leur rendre le bonheur qu'ils nous donnent.

Dès qu'on tombe sur des adolescents, le regard change. Quand je regarde leurs yeux, je n'y vois rien de particulier. Ils ne vibrent pas à notre passage, ils nous regardent passer comme des vaches voient passer un train. Parfois, ils nous disent un mot ou deux, qui ressemblent au beuglement de certaines vaches quand la locomotive passe. Certains, en nous voyant passer et disposant en général d'un VTT mal réglé, veulent se mesurer et tentent de faire la course ... ça m'amuse toujours. Ce n'est jamais dans un mauvais esprit. Dans la catégorie des adolescents, il y a aussi ceux qu'on retrouve en couple assis sur un muret au milieu de nulle part. Souvent, face à un beau paysage. On sent que certains sont la pour échapper aux yeux de leur famille et de leurs amis. Avec l'habitude, on repère à l'attitude les couples déjà formés, ceux en train de se former et ceux en train de se séparer. J'en ai vu des centaines de couples, assis sur des bancs, des murets ou dans l'herbe. J'en ai même vu sans habits, le long de routes désertes, complètement surpris de me voir débouler encore plus essoufflé qu'eux.

Ensuite il y a les adultes. Ma préférence va aux travailleurs de la route : le personnel des chantiers est souvent compréhensif et nous simplifie la vie. Combien de fois je me suis aventuré sur des routes barrées car en travaux, traversant le chantier sous le regard bienveillant des ouvriers qui nous indiquent la meilleure voie de passage et du conducteur de camion qui attend que l'on soit passé avant de manoeuvrer. Je me souviens qu'en Espagne, les ouvriers s'arrêtaient complètement de travailler et nous applaudissaient. La première année où j'y suis allé en stage, ça m'a surpris. Idem pour les policiers et gendarmes, lorsqu'ils bloquent la route pour réaliser des contrôles, et qui veillent à ne pas nous gêner en donnant des indications aux automobilistes.

Les autres adultes qui sont à pieds sur la route sont souvent moins attentionnés à notre égard. Il y a ceux qui font leur footing et qui sont dans leur bulle avec de la musique. Au vu du comportement de certains, je me demande comment ils font pour être encore en vie tant on a l'impression qu'ils sont seuls au monde au milieu du goudron. Il y a ceux qui rentrent chez eux avec de gros sacs de course et qui s'explosent le dos en portant leurs sacs comme s'ils contenaient toute la misère du monde. Eux traversent au passage piéton quel que soit le véhicule qui arrive. Vélo ou camion, aucune différence.

J'adore les gens qui attendent aux arrêts de bus : avec eux, je rigole toujours. Il y a ceux qui arrivent en courant, sac sur le dos, à l'arrêt de bus et regardent au loin si le bus n'est pas encore passé ... et ceux qui attendent patiemment assis sur le banc. J'aime jouer avec les premiers en leur disant "ah, vous l'avez loupé, il nous a doublé il y a 5 minutes" (avant de leur dire la vérité), et avec les derniers en leur demandant où je les dépose, ou en leur disant que mon véhicule est complet et qu'il faudra attendre le suivant ... j'ai fait rire des paquets de personnes. Si vous êtes arrêté au feu rouge, demandez "ça va ? ta journée s'est bien passée ?" à un(e) inconnu(e) ... vous verrez qu'il y a toujours matière à rire !

Enfin, il y a les personnes âgées. Eux incarnent la tranquillité. Lors de la première carrière de Julien, avant ses 2 années et demi d'arrêt, nous allions nous entraîner tous les soirs. Et en rentrant, sur un banc le long des quais, il y avait toujours un groupe de personnes âgées assise face au rond point. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, ces personnes étaient assise là et nous regardaient passer. L'autre jour, en roulant avec Maxime, on est passé devant un couple de personnes âgées assises sur un banc, ce qui m'a fait chanter à tue tête "les ptit's vieux qui se bécotent sur les bancs publics, bancs publics ...". Eux aussi sourient quand ils nous voient passer. Je ne sais toujours pas s'ils sourient car on leur rappelle leur jeunesse, leurs rêves éventuels ... ou bien si c'est un sourire moqueur du genre "pédale, pédale, tu verra dans 50ans comme ton dos et tout ton corps te le fera payer". J'aurai la réponse dans quelques décennies, quand je serai à mon tour assis sur un banc à côté de ma compagne et que je regarderai passer les cyclistes.


Je voulais dédier un article à tous ces gens que l'on croise sur le bord des routes. Tous ces gens qui nous regardent passer avec plus ou moins de ferveur, plus ou moins de compassion. Certains nous les croisons au quotidien (quand j'allais bosser à vélo, à heure fixe, je croisais toujours les mêmes personnes), d'autres nous ne les croisons que quelques secondes. Un dicton dit que c'est à travers le regard des autres qu'on apprend à s'aimer. Je pense que cette phrase est adaptée au cyclisme : c'est à travers le sourire des gens que j'ai appris à aimer ce sport !

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