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mardi 3 juin 2014

Bordeaux-Paris : 2ème moitié (de nuit)

Pour lire la première partie de ce Bordeaux-Paris, concernant toute la partie de jour, cliquez ici.

Je reprends le cours de mon récit au ravitaillement de Martizay, au 313ème kilomètre, soit la moitié du parcours. Quand on est arrivé au point de ravitaillement, on s'est fixé 30 minutes de pause afin que tout le groupe reparte ensemble. J'ai bu de la soupe, mangé un peu, puis me suis équipé pour la nuit : lampes avant et arrière, gilet jaune réfléchissant, manchettes, gants longs et sur-chaussures. Après 30 minutes de pause j'ai rejoint une partie du groupe qui était déjà prêt, on a attendu 10 minutes supplémentaires avant de se résoudre à partir à seulement 13 ou 14. Je ne sais pas vraiment où ont disparu les autres, on est parti sans eux.

Photo : ©extralagence.com

Le soleil était en train de se coucher mais on a quand même pu rouler près d'une heure avec une luminosité naturelle suffisante. Quand l'obscurité s'est installée, on a allumé nos lumières. Vu de derrière, les lampes rouges donnaient une impression étrange mais agréable, entre celles qui produisaient une lumière fixe et celles qui clignotaient à différentes vitesses, c'était assez marrant. Si ma lampe arrière marchait sans problème, ma lampe avant avait la fâcheuse tendance de remonter vers le haut ... ce qui ne m'arrangeait pas. D'une part, je préférais voir le goudron devant moi plutôt que la cime des arbres, mais surtout la source lumineuse m'aveuglait.

Photo : ©extralagence.com

On a pédalé pendant plus de 6 heures dans la nuit noire. J'avais été surpris de voir que l'épreuve avait lieu par un soir sans lune ou presque (un seul quartier) alors que je m'attendais plutôt à faire ce genre d'épreuve un jour proche de la pleine lune. Pédaler de nuit, avec de l'éclairage, en groupe et sur des routes désertes, n'a rien de désagréable. Nos repères spatiaux sont complètement annihilés : on ne voit pas quand se termine la bosse ni la longueur de la ligne droite. On pédale en se posant beaucoup moins de questions qu'en plein jour.

Comme je le pressentais, les repères temporels sont également totalement absents de nuit : en journée, on peut facilement mesurer le temps qui passe grâce à la variation de la luminosité ... c'est inconscient mais on le fait tous. C'est d'ailleurs pour ça que le changement d'heure nous perturbe toujours quelques jours. De nuit, impossible de se rendre compte du temps qui passe et de la distance parcourue. Si tout au long de la journée j'avais apprécié les bips réguliers (10 minutes) de mon compteur pour me rappeler de m'alimenter, je les ai encore plus apprécié de nuit, quand l'absence totale de repères et la fraîcheur ne m'incitait pas spécialement à me ravitailler.

Photo : ©extralagence.com

Le groupe a pris des relais une bonne partie de la nuit, mais s'est désagrégé petit à petit. Il y avait 3 coureurs qui étaient clairement au dessus du lot et qui mettaient tout le monde dans le dur lors de chaque bosse ou sur de longs relais. Je voulais bien collaborer, mais si c'est pour être à la limite de la rupture dans chaque bosse ensuite, ça ne vaut pas le coup. Du coup, ils se sont relayés à trois une grande partie de la nuit, du sang neuf arrivait de temps en temps pour quelques relais avant de retourner derrière se refaire une santé.

La température est tombée petit à petit au fil de la nuit. De 18° au coucher du soleil, on a fini à 6° au moment où le jour s'est levé. N'étant pas assez couvert, j'ai commencé à prendre froid. Par chance, Alexandre m'a proposé des jambières et un maillot supplémentaire lors du ravitaillement de Saint Laurent des Bois, à 3h30 du matin. Ca m'a permis de perdre moins d'énergie pour me réchauffer. J'ai franchement regretté de ne pas avoir pris le temps de me changer pour enfiler une tenue longue au ravitaillement de Matizay, avant de plonger dans la nuit. Je ne pensais pas que la température chuterait autant, c'est une erreur assez grossière de me part.

Avant ce ravitaillement, avant de traverser la Loire, on a longé un long moment un mur en pierre. Une personne du groupe nous a indiqué qu'il s'agissait du mur extérieur du château de Chambord. Honnêtement, il faisait tellement noir qu'on aurait pu passer à quelques mètres de n'importe quoi sans s'en rendre compte. Je me souviens que lors de la reconnaissance, effectuée en plein jour, on avait traversé des étangs et des champs ... de nuit, je n'ai rien vu. Je vous rassure, on voyait parfaitement la route : 10 éclairages réunis, ça donne une bonne source lumineuse, me permettant de garder mes lunettes de soleil en pleine nuit. Mais cette source lumineuse étant concentrée sur le goudron, on s'est retrouvé comme un cheval portant des œillères : on ne voyait que devant nous mais rien sur les côtés.

Au bout de 500 kilomètres, j'ai commencé à éprouver de fortes difficultés à me ravitailler. Les barres de céréales ne passaient plus. J'ai réussi à consommer un gel au cours des 150 derniers kilomètres, c'est tout ce qui a accepté de passer. Dans les 100 derniers kilomètres, c'était même de boire qui était compliqué : je ne supportais plus l'eau plate, ni le sirop ... seule la soupe servie aux ravitaillements passait. J'étais totalement écœuré par tout ce qui était sucré

Dans les 50 derniers kilomètres, j'ai lâché prise du groupe dans lequel j'étais. J'ai géré mes forces afin de rallier l'arrivée du mieux possible, ce que j'ai parfaitement su faire. En revanche, psychologiquement, ça a été très dur d'une part de me retrouver seul et d'être incapable de m'accrocher aux quelques coureurs qui m'ont doublé, d'autre part de voir que j'allais dépasser de quelques minutes la barre des 24 heures sous laquelle j'étais certain de descendre quelques heures plus tôt. J'ai perdu un temps considérable dans les 100 derniers kilomètres, et les dernières bosses des Yvelines ont fini de m'achever physiquement et mentalement.

J'ai franchi la ligne d'arrivée 24 heures et 18 minutes après le passage sur la ligne de départ. Sur le coup, j'étais dépité car j'avais nourri un réel espoir de passer sous la barre symbolique des 24 heures. Ce chrono symbolique était la chose qui me motivait quand j'ai faibli physiquement, c'est ce qui m'a poussée à ne rien lâcher jusqu'au bout. Alors forcément, quand on échoue si près de son objectif après 24 heures d'effort, on est dépité. Puis, quelques dizaine de minutes après, une fois que j'ai eu retrouvé mes esprits, j'ai réalisé que ma performance était tout de même excellente et que j'avais largement atteint mon but initial (26 heures).

L'expérience est globalement positive, en tout cas je ne regrette pas du tout ma participation à cette épreuve. Ca a été une expérience incroyable, qui m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur moi-même. Je tirerai le bilan dans quelques jours, le temps de mettre mes idées au clair et d'analyser à plus long terme ce que ça peut donner.


Consultez le parcours.

Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés à Bordeaux-Paris.

6 commentaires:

  1. Encore bravo pour ce nouveau défi réussi. Je suis sûr qu'avec le recul, tu auras oublié la souffrance pour ne te souvenir que de la performance réalisée. C'est encore une belle aventure dans laquelle tu t'es lancé !

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  2. Salut Florent,
    Bravo.
    Juste une question sur tes genoux. Ça va ?
    Il me semble que tu avais des problèmes physiques donc est-ce que ça va ?
    ++
    Laurent

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  3. @franck : ce que je retiens désormais, c'est que je l'ai fait et que je suis en bonne santé, que ça s'est bien passé et que l'expérience a été enrichissante. Comme pour le Tour, les problèmes rencontrés s'effacent de ma mémoire et je ne retiens désormais plus que le positif ;-)

    @laurent : mes genoux vont bien. je n'ai aucune douleur depuis mon passage chez l'ostéo il y a un mois. Je t'avoue que je me ménage volontairement une plage de repos exprès pour ne pas tenter le diable, aussi bien pour mes genoux que pour mes autres organes corporels. Je préfère prévenir que guérir, mon année a déjà été exceptionnelle, il faut que j'en garde sous le pied pour le futur.

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  4. bonjour Franck,
    tout d'abord si tu as vu beaucoup de maillot de notre région lyonnaise c'est certainement parce que notre ami Michel, l'organisateur est de lyon. pour nous, membres du cycloteam 69 de tassin, la motivation première était de prendre le départ pour lui.
    bien amicalement,
    Christophe

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  5. Salut Christophe,

    Effectivement, Extrasports est une société lyonnaise et quelques participants étaient présents pour eux.

    Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'il y avait autant de participants de la région lyonnaise que des autres régions : je repère plus facilement les maillots des clubs locaux car je les connais, par contre un vendéen ou un lorrain a surement du repérer des maillots de sa région autant que j'en ai repéré de la mienne.

    Florent

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  6. Bonjour,
    Nous avons fait quasi l'intégralité ensemble. Effectivement la dernière partie a été plus compliqué pour certains, mais nous n'étions que 7, le relais revenaient vite.
    C'est lors de l'avant dernier ravito vers 3H40 le matin où nous aurions dû repartir avec un groupe plus conséquent. Ils étaient moins d'une minute devant en point de mire.
    C'était en effet une belle épreuve. Bonne continuation.

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