La nuit du 16 au 17 juillet, précédant la 18ème étape reliant Gap à l'Alpe d'Huez, a été horrible. J'ai dormi dans un dortoir de 6 avec des lits superposés. Dès qu'on bougeait, le lit en bois tremblait dans tous les sens et le bois craquait au moindre mouvement. De plus, la présence de deux gros ronfleurs dans la chambre ne m'a permis de dormir que 4 heures au maximum.
Le départ à vélo a été donné de l'hôtel, à 1500m d'altitude. Il faisait froid, je suis parti avec un coupe-vent et des manchettes. Avant le départ, on a fait une série de photos devant les véhicules de nos sponsors : j'étais contre, d'une part car il faisait froid et qu'une descente nous attendait, et d'autre part parce qu'avec nos coupe-vent on ne voyait pas nos maillots, ce qui était dommage. Le cadre était superbe, mais les photos ne seront pas exploitables.
© Mickael Bougouin
La descente était sans danger. Elle était à l'ombre, du coup il faisait un peu frais, mais ça n'a pas duré longtemps. 7 kilomètres, on l'a fait en à peine 10 minutes. Dans deux épingles, mon vélo est parti de travers. J'ai bien rattrapé les trajectoires, avec beaucoup de sang froid : je n'ai pas eu peur mais ça m'a énervé. En bas, j'ai resserré mes freins car je les trouvais trop détendus. Je pensais que le problème venait de ça : sur un vélo, quand on a un soucis en descente, il faut corriger le problème sans tarder afin de ne pas prendre de risques.
© Mickael Bougouin
On a rejoint Gap sans encombres. On a ainsi ajouté 25 kilomètres kilomètres par pur plaisir, pour relier l'hôtel à la ligne de départ. Il faisait beau, on était mieux sur un vélo que dans un bus pour faire ce transfert. Par contre, on a fait la mauvaise montée du col de Manse : on a refait celle de l'avant-veille par la route commune avec le col Bayard. Le vrai parcours prenait une route différente, qui venait au col en provenance du sud-est, alors que nous sommes arrivé par l'ouest. Ca n'a pas changé grand chose, la difficulté était à peu près équivalente. Cette erreur de parcours était involontaire, nous n'avons pas suivi les bonnes flèches.
© Mickael Bougouin
Au col, nous avons retrouvé le bon itinéraire. On a croisé plusieurs coureurs qui sortaient de leur hôtel et se rendaient au départ du chrono. Certains étaient en voiture, d'autres partaient directement à vélo. C'était sympa de les croiser : depuis le début de l'aventure, à part en Corse, nous ne les avons pas vu. Comme nous passons un jour avant eux, il était difficile de les croiser. On ne s'est jamais senti en marge du "vrai" Tour de France, car les spectateurs et les médias suivaient notre périple, mais croiser les véritables protagonistes du Tour nous a quand même rassuré : oui nous somme bien en train de faire la même chose qu'eux, à peu de choses près.
Après le col, nous avons bénéficié de 25 kilomètres de bon faux-plat descendant. Ca filait vite, sur une belle route sans circulation et avec un joli paysage. On descendait le long du Drac, une belle petite rivière dont la largeur du lit laisse supposer que les crues doivent être particulièrement violentes. Ce cadre nous montrait que la nature est belle, qu'elle semble calme et domestiquée, mais quand on regarde bien on se rend compte qu'elle est sauvage.
On a ensuite fait 45 kilomètres sur des routes en faux-plat, avec parfois de petites côtes à passer. Dans la "rampe du Motty", une bosse d'un peu plus de 2km à 8%, Julien était sur le point d'abandonner en raison de douleurs liées au cuissard. Il faut dire que nos cuissards étaient jolis, mais leur coupe était nulle : une couture mal placée nous a tous coupé le pli de l'aine. A en saigner ! J'ai trouvé les mots pour l'inciter à poursuivre malgré la douleur : après cette étape, il n'en restait plus que 2 avant les Champs Elysées. Abandonner si près du but, alors qu'on a les jambes et le coeur, ça aurait été tellement rageant. Il avait vraiment mal, c'était certain : pour que lui qui était tout timide et ne disait jamais rien, se plaigne à demi-mot de douleurs ... c'est qu'il devait vivre un véritable calvaire depuis un bon moment. Mais il s'est accroché, visage fermé, et à tenu bon.
© Mickael Bougouin
J'étais à l'arrière du groupe, à motiver Julien pendant que Grégoire accompagnait Pascal qui grimpait à son rythme. Une grosse cassure s'est créée. Ils ne se sont pas rendus compte de notre absence et ils ont remis les gaz en haut de la bosse. Avec Grégoire, on a fait une longue chasse : au bout de 6 ou 7 kilomètres, on est revenu à 50m avant qu'une descente ne brise tous nos rêves de retour. On s'est retrouvé à 4 : Grégoire, Pascal, Julien et moi. Au final, on s'est tapé pratiquement 40 kilomètres de chasse en vain. On a bien reçu le renfort de quelques coureurs qui se sont aperçus de notre absence et se sont laissé décrocher pour nous ramener, mais comme on était énervé on a préféré poursuivre à notre rythme plutôt que continuer une chasse qui nous épuisait depuis un bon moment. On était pas à 5 minutes près !
© Mickael Bougouin
On a fait notre pause déjeuner dans Valbonnais, au pied du col d'Ornon. Pendant le repas, le ciel était menaçant : les nuages au dessus de nos têtes étaient très noirs, on sentit de l'humidité et de la fraicheur, mais on a pas pris la pluie. Avant de repartir, un rappel à la consigne "on est un groupe, on roule ensemble, on aide les plus faibles" a été fait afin de rappeler à tous que ce n'était pas normal qu'on se soit retrouvé longtemps à l'arrière sans que ça ne se relève devant.
Le ventre plein, on a attaqué la montée du col d'Ornon sur une route complètement trempée. Des feuilles et de petites branches jonchaient sol à certains endroits, c'était les vestiges du passage d'un orage relativement important. On y a échappé pendant notre pause déjeuner, je pense que si on avait continué on se serait fait tremper. La montée du col d'Ornon est assez roulante, surtout dans sa première partie. Quand les choses se sont corsées et qu'un groupe est parti à l'avant, j'ai fait l'effort pour remonter me placer dans les roues. J'ai alors pris la tête du groupe pour endormir un peu le rythme qui était un poil trop important et ne me permettait pas de récupérer. Je me suis replacé derrière à 2 kilomètres de la ligne et je les ai tous aligné au sprint. Grâce à une connaissance parfaite du terrain, je savais exactement où placer le gros plateau : j'ai sprinté sur le 50 alors qu'ils étaient sur le 34 ... je ne leur ai laissé aucune chance ni aucun espoir !
© Mickael Bougouin
Le groupe s'est lancé dans la descente. Je suis resté à l'arrière pour aider un cycliste allemand qui avait un problème de dérailleur : nous avions longuement discuté dans la première partie de la montée, et en haut de la montée j'en ai profité pour l'aider à faire quelques réglages pendant que les autres récupéraient leur coupe-vent pour la descente. Je suis reparti deux minutes derrière le groupe, j'ai rapidement rejoint les moins bons descendeurs et je suis resté un peu avec eux. Je me suis fait engueuler par un motard de la gendarmerie car j'ai un peu coupé mon virage dans une grande courbe sur la gauche avec une visibilité parfaite. J'étais sur la bande blanche centrale, rien d'extraordinaire. Quelques virages plus loin, je rattrape Grégoire qui se manque complètement dans un virage et a été obligé de sortir le pied pour rattraper sa trajectoire. J'ai à peine eu le temps d'échanger quelques mots avec lui pour lui rappeler d'être prudent, qu'il était inutile de prendre des risques ... je prends le virage suivant sur la bande blanche centrale et me retrouve nez à nez avec une voiture, qui roulait elle-aussi sur la bande centrale.
Je me suis donc retrouvé face à face avec une voiture 5m devant moi. J'ai freiné pour ralentir et revenir complètement sur ma partie de la chaussée, l'automobiliste lui n'a pas bougé et est resté au centre. Ayant complètement resserré mes freins le matin, j'ai bêtement bloqué mes 2 roues et je suis parti en dérapage. En bon skieur, habitué à contrôler le dérapage des skis sur les plaques de verglas, j'ai maîtrisé la trajectoire du dérapage afin de venir prendre appui le long de la voiture. J'ai glissé sur toute la longueur de la voiture, en prenant appui sur les portières. Le choc m'a un peu déséquilibré et m'a désarçonné de mon destrier. J'ai poursuivi ma route sans m'arrêter : j'étais un peu râpé, mais n'étant pas tombé je savais que je n'avais pas de blessure sérieuse.
© Mickael Bougouin
Je me suis fait soigner en bas de la descente. Il me manquait un peu de peau sur l'épaule, le coude, la hanche et la cuisse. Rien de profond, ce n'était que superficiel. En enlevant mon gant par contre, j'avais un énorme hématome à la main : quand j'ai touché la voiture, c'est ma cocotte qui a touché en premier, et ma main a ainsi encaissé tout le choc entre la portière et moi. Ca m'a explosé tous les vaisseaux sanguins de la main. Les ambulanciers m'ont bien soigné.
On a rejoint le centre de Bourg d'Oisans, où nous attendait un groupe d'une vingtaine de moniteurs de ski de l'Alpe d'Huez qui ont fait la montée à vélo avec nous. Enfin, en théorie, ils devaient la faire avec nous. En réalité, ils l'ont fait comme des sauvages sans nous attendre : on est parti ensemble en bas, et dès la première rampe ils ont filé ... et ne nous on jamais attendu, à part deux ou trois à l'arrivée. Enfin bon, on a roulé comme on a fait d'habitude, chacun à son rythme.
© Mickael Bougouin
Dès les premières pentes, j'ai été gêné par les traces de ma chute : les bandages mis en place m'empêchaient carrément de me mettre en danseuse, j'avais l'épaule verrouillée dans une position. J'ai fait comme à mon habitude, j'ai encadré les derniers en leur donnant des indications sur la pente et la difficulté à venir, et je les encourageait avec des mots simples. Mais rapidement, j'ai retrouvé Olivier (avec qui j'avais effectué Bordeaux-Paris) et du coup j'ai passé toute la montée avec lui, à discuter. Parler m'a fait oublier la gêne ressentie, je me concentrais sur autre chose et finalement ça ne m'a pas handicapé. J'ai fait la montée (totale, jusqu'en haut de l'Alpe) en 1h10, sans forcer. C'est à peu près le temps que j'avais mis à la Marmotte l'année dernière, mais en forçant beaucoup plus !
En haut, nous nous sommes arrêtés. On a pas eu le droit de faire la descente via Sarenne puis la seconde montée de l'Alpe d'Huez, pour des raisons de sécurité. Les autorités craignaient un débordement de foule, alors que le public était certes (complètement) éméché mais sympathique avec nous. On a eu aucun soucis sur cette première montée, je doute qu'il y en aurait eu si on en avait ait une deuxième. Ca m'a fait enrager, j'avais envie de la faire cette deuxième montée, quitte à la faire seul et sans encadrement particulier. Mais bon, il fallait se plier aux règles si on voulait pouvoir poursuivre notre aventure en ayant le soutien de la gendarmerie et de la police.
Bilan : 145km, 6h07 de selle, 3000m de dénivelé, 131bpm en moyenne
Consultez notre parcours et mes données.
NB : une analyse des données de mon compteur indique que je n'allais pas trop vite lors de ma chute. Je suis rentré dans le virage à 48km/h, ce qui était largement bon pour le franchir. J'ai fait l'erreur de le prendre sur la ligne blanche. C'est une erreur de ma part, et de l'automobiliste qui roulait lui-aussi en plein milieu. Les personnes en charge de notre sécurité n'y sont pour rien : comme j'étais 2 minutes derrière le peloton, les automobilistes reprenaient leur route normalement. On était toujours dans d'excellentes conditions de sécurité, il n'y a rien à leur reprocher.
Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés au Tour de Fête.
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