lundi 24 juillet 2017

Tour de (la) Lombardie (pieuse)


Ce dimanche, après 5 jours sans avoir touché le vélo, je me suis attaqué au cinquième monument cycliste : le Tour de Lombardie. J'avais récupéré le tracé exact de l'épreuve grâce à Strava : de plus en plus de professionnels y diffusent (une partie de) leurs données, ce qui permet à tous ceux qui le veulent de comparer leurs temps avec celui des pros ... et pour moi de bénéficier d'un itinéraire exact.


Le départ des professionnels ayant lieu à Côme, sur la rive du lac, j'ai fait de même ... mais à 800 mètres du lieu officiel. Si les professionnels bénéficient de routes fermées et peuvent parader tranquillement dans les rues de la ville, ce n'est pas mon cas donc j'ai choisi l'endroit le plus pratique pour la suite de l'itinéraire.


Après une multitude de feux-rouges et autant de minutes de perdues, la route prévue était coupée : impossible de passer en raison d'un éboulement. De quoi perdre du temps et de l'énergie à chercher un itinéraire de substitution au milieu d'une circulation plus dense car tout le trafic routier utilisait cette unique route (au lieu de se répartir sur les deux).


J'ai fini par retrouver l'itinéraire normal, sur des montagnes russes comme je m'y attendais. Après deux journées dans la région, je me suis rendu compte qu'il n'y a pas un seul mètre de plat. Ca ne fait que monter et descendre, il n'y a pas de plateau.



La récompense de ces premiers efforts est intervenue après une vingtaine de kilomètres : une belle descente face au lac de Côme avec vue magnifique sur les environs. C'était sublime et cette beauté s'est prolongée pendant une dizaine de kilomètres en longeant le lac sur une petite route étroite passant de villages en villages. Ce fut la seule partie presque plate du parcours.



A Bellagio, à la pointe d'une bande de montagne coupant en deux branches le lac, j'ai abordé la première véritable difficulté : l'ascension vers la madone de Ghisallo, la patronne des cyclistes. Le roadbook de l'épreuve indique 8,6km à 6,2% dont 3,6km à 9,3% au début et un dernier kilomètre à 9,5%. Les premières grosses pentes m'ont calmé. J'ai pris mon rythme au fil des oratoires et des chapelles, il y en avait tous les 500 mètres. Au milieu des bois, l'entrée d'une messe était surveillée par 3 carabinieri. J'ai fini par atteindre la madone de Ghisallo mais n'y étais pas seul : beaucoup de cyclistes y étaient montés et une messe était en cours, avec diffusion à l'extérieur via des hauts-parleurs.





L'effort de l'ascension en valait la peine : à côté de la chapelle il y avait un monument en hommage aux forçats de la route et un belvédère aménagé permettant d'admirer une vue splendide sur le lac. Je me suis lancé dans la descente, effectuée sur une route large et nécessitant de pédaler car la pente n'y est pas importante et que le vent de face me ralentissait. J'ai longé le petit lac de Segrino puis celui un peu plus grand de Pusiano.


J'ai continué l'itinéraire prévu quand je me suis à nouveau retrouvé face à une route barrée : il manquait le pont enjambant l'autoroute ! 2 x 2 voies avec un terre-plein central. Je veux bien enjamber des fossés ou sauter par dessus des tranchées quand il y a des travaux, mais faire un bond de 50 mètres de long n'est pas dans mes aptitudes. Je me suis offert deux kilomètres sur la voie d'urgence jusqu'au pont le plus proche et ai à nouveau eu à trouver un itinéraire de substitution pour rejoindre le parcours d'origine.


La difficulté suivante était le Colle Brianza par la route "directe", passant de 4 kilomètres (par la route "normale") à seulement 3,3 kilomètres. 3,3 kilomètres à 6,5% avec une pente maximale de 12%. J'ai géré l'ascension à ma main, la route étant encore longue et les difficultés étant encore nombreuses.


J'ai fait ma pause repas autour du 90ème kilomètre : le logement placé à mi-chemin de Côme et de Bergame pour faciliter la logistique était plutôt bien placé. 30 minutes de pause pour refaire le plein d'énergie au frais et au calme.


L'ascension suivante, la plus difficile du jour, était au programme un peu après la pause déjeuner. Le temps de m'échauffer et de laisser mon repas prendre sa place dans l'estomac, j'attaquais la montée de Valcava. 11,7km à 8,0% avec un passage monstrueux de 3 kilomètres à 11,6% (la pente variant entre 10,8% au minimum et 17% au maximum). J'ai longuement senti passer mon 39x28, l'ascension me semblant interminable. J'ai zigzagué dans la pente pour tenter de l'adoucir mais même en utilisant cette technique dans du 15% sur une route étroite ça n'adoucit pas grand chose. Dans une telle pente il n'y a pas de gestion d'effort possible, c'est la pente seule qui choisit de l'intensité qu'elle nous impose.


Ca m'a semblé interminable mais une fois au sommet j'étais content : la moitié du parcours était faite et la moitié du dénivelé aussi. J'étais très en retard sur mon planning prévu à cause des 3 déviations / changements d'itinéraires mais les jambes répondaient correctement et le coeur aussi. Le temps d'admirer le paysage, de me ravitailler et me voila lancé dans la descente en direction de la difficulté suivante.


A partir de cet endroit, les difficultés s'enchaînaient sans répit : il n'y avait pas le moindre kilomètre de vallée pour récupérer. L'ascension suivante était presque facile en comparaison de la précédente : seulement 6,1km à 5,1% sans gros pourcentage. Bon, les jambes tiraient un peu mais j'ai géré mon effort car je savais que la suivante serait également un gros morceau.



La cinquième montée du jour menait au monastère de Sant'Antonio Abbandonato : 6,5km à 8,9% dont 3,5km à 11% (10% mini, 15% maxi). Depuis le départ, et cela se vérifiera jusqu'à l'arrivée, cette région de l'Italie semble vivre au rythme de ses monuments religieux. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ils sont nombreux, riches et variés.


Il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Ils sont parfaitement entretenus y compris les petits oratoires que l'on trouve au détour d'un virage au milieu de nulle-part, qui restent fleuris et illuminés par des bougies. Il n'y a pas un seul édifice religieux, aussi petit soit-il, qui semble en mauvais état.


Comme je m'y attendais, cette ascension m'a encore mis en vrac. Malgré mon physique prétendument de grimpeur (1,8m pour 62kg), j'ai du mal à passer les gros pourcentage depuis plusieurs années. J'ai de nouveau utilisé le théorème de pythagore pour allonger la distance de la route, en zigzaguant sur le bitume lorsque la pente devenait trop importante. Pour construire un tel édifice au sommet de la montagne, les hommes n'ont pas du ménager leurs efforts !


J'ai refait le plein d'énergie en haut ... le véhicule d'assistance qui m'accompagnait a refait le plein d'énergie dans la descente. Une station service au milieu de la montagne, dans un petit village, a permis de poursuivre plus sereinement l'aventure pour mes accompagnatrices. Pour elles aussi, le temps semble long dans ces ascensions interminables; Elles aussi profitent du panorama incroyable de la région, que nous n'aurions certainement pas découvert si je ne m'étais pas lancé dans cette aventure. En bas, il a fallu faire un nouveau détour pour contourner une autre zone de travaux interdisant le passage sur l'itinéraire prévu.


L'ascension suivante menait au miragolo san salvadore en passant par le miragolo san marco. Encore des édifices religieux, comme chaque sommet du coin semble en posséder : qu'on lève les yeux sur la droite où sur la gauche, sur la ligne de crête on voit forcément un bâtiment imposant avec un clocher. 8,7km à 7% pour cette montée-ci. De quoi poursuivre l'usure de l'organisme mais comme je me sentais encore pas trop mal et que c'était l'avant-dernière ascension je me suis fait plaisir quand j'en avais l'occasion tout en gérant les parties plus pentues qui me faisaient mal.


La descente fut tranquille, je me suis ravitaillé sereinement en sachant que le plus dur était fait. J'étais fatigué, j'avais les jambes explosées, mais j'étais dans l'euphorie de boucler mon dernier monument donc je savais que la dernière ascension se passerait bien. Je l'abordais assez sereinement.


La montée de Selvino, 6,9km à 5,4%, s'est bien passée. Le départ était le plus compliqué à gérer, avec un passage à 9% qui m'a semblé en faire le double, mais dès que la pente s'est adoucie j'ai pu me livrer à fond en bon rouleur. Je me suis motivé tout seul un double objectif : grimper en moins de 30 minutes et à plus de 180w moy. Ca peut sembler ridicule comme chiffres sur une sortie simple, mais avec 4000m de dénivelé dans les jambes en 160 kilomètres, en solitaire, ça restait un gros challenge qui m'a tenu sous pression jusqu'en haut. J'ai relancé à chaque virage, j'ai écrasé les pédales aussi fort et j'ai tourné les jambes aussi vite que possible. J'ai réussi mes deux objectifs de l'ascension, basculant en haut de la dernière ascension en sachant que cette fois c'était terminé et qu'il ne restait plus que la descente à effectuer. L'objectif "Tour de Lombardie" était rempli.


La descente, sinueuse à souhait avec des épingles numérotées, a été un régal. J'ai été prudent, il aurait été dommage de prendre des risques accentués par la fatigue. En bas, je me suis retrouvé en périphérie de Bergame avec son lot de circulation et surtout ses voies rapides interdites aux vélos. Etant donné que c'était mon défi personnel, j'ai choisi de stopper la et de ne pas m'enfoncer dans le centre-ville : pour m'y rendre je devais passer par la voie rapide, interdite aux cyclistes en temps normal mais que les professionnels peuvent emprunter avec l'escorte des forces de l'ordre pendant la course.


Ce Tour de Lombardie, ou plutôt Tour des édifices religieux de Lombardie, est incontestablement le monument cycliste le plus difficile musculairement sur les cinq. C'est aussi celui qui offre, incontestablement aussi, les plus beaux paysages.


Un grand merci à mes deux accompagnatrices, qui ont aussi souffert de la chaleur et ont aussi trouvé le temps long à rester assis sur un siège. Pour elles aussi, les changements imprévus de parcours et les routes coupées ont été un casse-tête à gérer.

J'ai réussi mon double défi de l'année, celui de boucler à la fois Milan - San Remo et le Tour de Lombardie donc j'ai désormais parcouru les cinq monuments. J'ai déjà en tête mon défi pour l'année prochaine et je sais déjà qu'il va être compliqué mais excitant; Je vous en reparlerai en temps voulu.

Consultez mes données et les photos prises par ma compagne femme.

8 commentaires:

  1. Franck Pélissier27 juillet 2017 à 11:57

    Avant de lire cet article, je pensais que tu l'avais fait dans le cadre d'une cyclosportive (de la même façon qu'il existe par exemple Paris-Roubaix amateur), et j'étais surpris de voir que tu avais l'air seul dès les premières photos. Puis j'ai rapidement compris que tu l'avais réalisé en solo, de ta propre initiative. Tu as dû quand même trouver le temps long ! Brava à toi ! (et jolie tenue, au passage !)

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    1. Sur la première moitié, avec souvent un petit vent de face, c'est vrai que j'aurai bien aimé être dans un groupe au sein duquel on aurait pu partager les efforts ... mais le temps n'a pas été si long que ça pour moi : les paysages étaient tellement beaux que ça me laissait du temps pour les admirer.

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    2. Bravo Florent !!
      Ca laisse rêveur, mais aussi ton témoignage fait réfléchir avant de tenter l'aventure !!
      J'ai aussi la volonté de tenter les 5 monuments .
      Mais malheureusement , le tour de Lombardie n'a pas de cyclo.
      J'ai repéré un parcours (des années 2000) où les lieux de départ et arrivée sont très proches.
      Mais moins courageux que toi , je compte bien amener 2/3 copains...
      Mais je n'aurai pas forcement d’accompagnatrice aussi dévouée que ta femme !

      D'ailleurs Franck Pelissier ,tu es le bienvenu !!(pour rouler avec nous ou nous accompagner ;-)

      Encore Bravo, Florent , et puis merci pour tout (fervent utilisateur de cols cyclisme!)

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    3. Merci David.

      Concernant l'accompagnement, saches que si tu cherche de l'eau il y en a de partout la-bas. Je ne dirai pas que ça se trouve aussi facilement que les églises, mais il y a quand même régulièrement des fontaines sur le bord des routes. Pour le reste, la nourriture et le matériel de réparation, une petite sacoche sous la selle (comme j'avais) et de grandes poches devraient suffire. Au besoin, il y a des boulangeries / supérettes.

      Bon courage

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  2. Salut Florent
    félicitations...il fallait le faire..quelle energie..et félicitation pour Monsieur et Madame..
    Claude

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  3. Merci pour ce récit , je comptais m'y atteler sur un par pur des années 70 vu dans le livre leS monuments du cyclisme et dont le parcours est aussi sur Strava . Je découvre ton blog grâce à Damien D

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  4. Merci pour ce reportage photo très intéressant

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