Le 18 juillet, nous avons effectué la 19ème étape du Tour, reliant Bourg d'Oisans au Grand Bornand. Il s'agissait de l'étape que je redoutais le plus : plus de 200km et 5000m de dénivelé. Avec 5
cols au programme : le Glandon en entrée, la Madeleine en plat principal, Tamié et
l'Epine en entre-mets et la Croix-Fry en dessert. Le genre de repas qui
promet une belle indigestion si tu le commence trop vite. A mon avis, c'était l'étape reine du Tour.
La veille au soir, un gros orage s'est abattu sur notre hôtel. L'averse était impressionnante, je n'aurai pas aimé être dessous. Ni à pieds, ni en vélo, ni en voiture. Comme d'autres orages violents étaient prévus sur notre étape, l'équipe d'organisation a planché sur des solutions de repli en cas d'orage qui nous empêcherait de continuer notre route. Par chance, on a pris une averse sur le casque mais rien d'important, on a pu faire toute l'étape en intégralité.
© Mickael Bougouin
J'ai bien dormi au cours de la nuit : afin de pouvoir m'endormir sans soucis à cause de mes blessures, les médecins m'avaient donné un cachet miraculeux. 10 minutes après l'avoir pris, je sombrais dans un profond sommeil dont m'a sorti mon réveil. Le matin, au départ de l'étape, j'étais encore un peu dans le brouillard mais les pentes du Glandon m'ont vite réveillées.
© Mickael Bougouin
On a commencé la journée par l'ascension du Glandon. Une montée longue de plus de 20 kilomètres, assez irrégulière : des descentes ou des replats viennent casser le rythme. Comme toujours, j'ai escorté l'arrière garde : je donnais des informations régulières sur ce qui allait arriver et je conseillais sur les endroits à regarder. De l'arrière, j'ai assisté à la chute de Ludivine (sans gravité) puis à la casse du dérailleur (il me semble, je n'ai pas bien vu) de Mounir. En pleine montée, j'ai croisé mon ami Remy qui se rendait à l'Alpe d'Huez pour assister au passage des pros. Je me suis arrêté quelques minutes pour discuter avec lui, avant de m'offrir une petite chasse pour revenir prendre ma place en tête du gruppetto. J'avais mes jambes des grands jours donc je suis revenu sans difficulté et sans me stresser.
La descente du Glandon a été un cauchemar. Mon vélo, qui me posait déjà des problèmes en descente depuis la veille, s'est mis à chasser à gauche dans tous les virages. Que le virage soit à droite ou à gauche, le vélo se déséquilibrait systématiquement à gauche ! Au début, avec mon bandage sur la main gauche, j'ai pensé que ce déséquilibre devait être lié au fait que je n'appuyais pas autant des deux côtés. Mais même en me concentrant afin de bien répartir mon poids et la pression sur le guidon, il n'y avait rien à faire. En bas de la descente, j'ai profité d'un arrêt ravitaillement pour rerégler minutieusement mes freins et vérifier le centrage puis le serrage de mes roues. Vu l'enfer que je venais de vivre, et bien que je maitrisais la situation, je ne me voyais pas poursuivre l'étape avec ce problème. Ca a tout remis dans l'ordre, je n'ai plus été embêté par la suite. (Nb : mes roues avaient été dévoilées le matin car elles avaient bien subi sur l'impact).
© Mickael Bougouin
Après un morceau de vallée, on a enchaîné sur la montée du col de la madeleine. Ce col est aussi long que le précédent, mais la pente y est bien plus régulière. La première moitié se fait en foret, la seconde moitié se fait à découvert au milieu des alpages, ce qui permet d'avoir une belle vue. Avec Michel, mon fidèle compagnon réglé lui aussi comme un métronome dans les cols, nous avons escorté Eric, Julien et Pascal. Eric a énormément souffert : je crois que la beauté du paysage l'a maintenu en éveil et l'a motivé à pousser sur les pédales afin de voir au virage suivant si le paysage était aussi joli. Julien était toujours en proie avec ses problèmes de cuissard et ne pipait pas un mot, le visage fermé. Pascal avait un grand sourire sur les lèvres, comme toujours : il faisait ce Tour avec le nez en l'air, à contempler en permanence le paysage. Et il avait bien raison, il n'en verra pas toujours d'aussi beau que ce qu'on a vu au cours de ce mois de juillet.
© Mickael Bougouin
On est arrivé au col, lentement mais surement. Chaque coup de pédale était difficile pour mes compagnons, mais ils pédalaient sans s'arrêter. Ils en avaient envie, je le sentais, mais je leur parlais en permanence pour qu'ils pensent à autre chose. Je pense que ça a été la montée de col la plus lente qu'on ait fait. Au col, on ne s'est pas attendu car le repas du midi était au milieu de la descente. Eric est resté en haut car il ne se sentait pas bien du tout et ne souhaitait pas se lancer dans la descente dans cet état. Il était mal en point, mais lucide : c'était une décision très intelligente de sa part. Il a été pris en charge par les secouristes, qui lui ont donné à manger et à boire, l'ont assis sur la civière, ... jusqu'à ce qu'il se sente mieux. Je suis resté seul à ses côtés : il avait une confiance (presque) aveugle en moi dans les descentes, il n'y avait besoin de personne d'autre pour l'accompagner jusqu'au repas. On est arrivé au repas près d'une heure après les premiers. On peut dire qu'on a profité de la montagne une heure de plus qu'eux !
© Mickael Bougouin
Après s'être rempli le ventre et reposé, on a fini la descente du col puis on a fait un bout de vallée afin de rejoindre Albertville. En passant un ralentisseur, un bidon est tombé au sol et je l'ai évité de justesse. Il est passé à 5mm de ma roue avant, je n'ai pas eu peur puisque j'avais bien analysé la situation et m'étais déporté en conséquence ... en revanche, les personnes à côté de moi ont eu peur pour moi. J'ai eu un défilé de personnes venu me dire que j'avais eu "de la chance". La réussite dans un Tour, ça passe parfois par un bon réflexe aidé par un peu de chance !
© Mickael Bougouin
Après Albertville, on a grimpé le col de Tamié. Le col le plus facile du jour : "seulement" 8,6km à 6,2%. Un "simple" col de deuxième catégorie. Mais ce qui nous préoccupait le plus, ce n'était pas tant la difficulté du col mais plutôt l'orage qui nous arrivait droit dessus. Au col, on a juste eu le temps de récupérer nos k-way avant de prendre le ciel sur la tête pendant quelques minutes. L'averse a duré une dizaine de minutes, le temps d'une descente. Juste de quoi nous tremper et salir nos vélos, avant que nos routes ne se séparent : elle est partie de son côté, nous sommes parti du notre. C'était mieux ainsi : c'est plus agréable de rouler sans k-way et sans pluie.
© Mickael Bougouin
Le quatrième col du jour était le col de l'Epine. Un col que je connais par coeur, et qui convient à la perfection à mes caractéristiques. Pentu (6,7%, avec un passage à près de 10%) et pas trop long (6km), c'est ce qu'il me faut. C'était le col que j'avais sélectionné pour y jouer les premiers rôles, après celui de Manse lundi et celui d'Ornon mercredi. Sauf qu'au pied, j'ai voulu jouer au plus malin et retirer mon k-way en roulant : sans k-way, les autres ayant gardé le leur, je prenais un petit avantage. Sauf que j'ai galéré pour l'enlever et ai perdu beaucoup de temps, puis j'ai aidé Ludivine à enlever le sien. Boucher près de 2 minutes d'écart, c'était mission impossible. Finalement, j'ai escorté Ludivine et Julien tout le long de la montée. Elle a été obligé de mettre pied à terre à cause d'un problème technique, du coup je me suis arrêté, j'ai posé mon vélo et l'ai poussé afin qu'elle reparte. Comme les pros lors des crevaisons. C'était amusant.
Finalement, on s'est retrouvé tous les trois jusqu'à l'arrivée de l'étape : après le col de l'Epine, Abdel et David nous ont attendu afin de nous aider à rentrer, mais après la montée de la croix-fry on s'est de nouveau retrouvé à trois. Dans la montée, on est revenu sur un groupe devant nous mais on a poursuivi à notre rythme et on les a laissé derrière. Le col de la Croix Fry a fait du mal à beaucoup de monde : j'ai été surpris de voir que presque tous les meilleurs grimpeurs étaient à la dérive, on en a doublé plusieurs qui avaient complètement explosé. Je connais ce col, qui m'a toujours fait très mal, mais je ne m'attendais pas à de telles défaillances de leur part.
En haut de la Croix-fry, j'étais heureux. J'avais les larmes aux yeux : je savais qu'il ne restait plus que de la descente jusqu'à l'arrivée. Ce qu'on venait de faire était juste énorme : se manger plus de 5000m de dénivelé en 19ème étape, c'était incroyable. On ne fait pas souvent un tel dénivelé au cours de sa vie, alors le faire dans de telles conditions, croyiez-moi que ça donne la chair de poule et un sentiment incroyable de satisfaction.
La descente finale a été glaciale. La nuit était en train de tomber et l'humidité de la pluie était encore présente. Dans les 5 derniers kilomètres, Ludivine était tétanisée par le froid et passait son temps à me demander dans combien de temps était l'arrivée. Julien, son compagnon dans la vie et sur le vélo, l'encourageait également de la voix alors qu'il n'était pas beaucoup mieux qu'elle. Voir notre bus et notre encadrement a été une véritable délivrance. Cette fois on pouvait vraiment se féliciter et se dire qu'on l'avait fait !
J'ai eu une agréable surprise à l'arrivée : ma marraine et mon oncle, en vacances dans la région, m'ont longuement attendu. J'étais fatigué mais lucide, donc j'ai pu bien profiter de ce moment en leur compagnie. J'étais très content de les voir, car je ne les vois en général qu'à Noël lors du repas de famille. Je suis resté pour discuter avec eux jusqu'au départ du bus.
© Mickael Bougouin
Le soir, après le repas, il y a eu une vague de discours de félicitations. J'ai tourné mon discours sur l'étape qui venait de s'achever, mais certains parlaient comme si les difficultés étaient terminées et qu'il ne restait plus que les Champs Elysées. Pourtant, l'étape du lendemain était redoutable et il fallait rester concentré. Mais après ce qu'on venait de réaliser, on savait qu'on pouvait affronter n'importe quelle étape et la réussir.
Bilan : 202km, 10h55 de selle, 5200m de dénivelé, 122bpm en moyenne.
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