Samedi avait lieu le Paris-Roubaix Challenge, une épreuve proposant un parcours de 170 kilomètres dont 50 kilomètres sur pavés, le parcours étant rigoureusement identique à celui des professionnels. J'avais déjà effectué cette épreuve lors de sa première édition, en 2011.
Je me suis rendu à Roubaix le vendredi après-midi afin de récupérer ma plaque de cadre et les différentes affaires liées à l'inscription. L'espace autour du vélodrome m'a paru très restreint par rapport à la zone des partenaires du Tour des Flandres, et par rapport à l'espace lors de la première édition de cette même épreuve. Je trouve curieux qu'une épreuve si prestigieuse, forte de 3500 participants, n'ait pas plus de partenaires dans son village départ.
J'ai passé la nuit sur Roubaix afin de m'éviter le désagrément du réveil trop matinal avant de prendre la navette. Au lieu de me lever à 3 heures du matin, j'ai pu mettre le réveil à 4h15. Sauf que dès 3 heures du matin, l’hôtel est rentré en ébulition : portes qui claquent, chasses d'eau et baignoires qui coulent, pas bruyants dans les couloirs ... le cycliste n'est pas un exemple de discrétion ni de respect du sommeil des autres !
Le trajet en navette a été épique. Le chauffeur s'est d'abord perdu dans Roubaix, puis s'est trompé d'autoroute, puis il a fait demi-tour au bout d'une heure, puis de nouveau demi-tour (revenant ainsi dans le premier sens de circulation), avant de se retrouvé coincé au péage car il n'aurait pas du y en avoir s'il avait pris la bonne autoroute donc il n'avait pas prévu de carte bancaire ... dernière péripétie, la boite de vitesse ne voulait plus fonctionner, on est resté arrêté une longue minute avant de repartir. 2h30 de trajet au lieu d'1h30. Mais on est arrivé à bon port dans la joie, le stress et la bonne humeur.
Sur place, j'ai retrouvé Nicolas, l'auteur du blog lameilleurecyclosportivedevotrevie.com. Le temps de se saluer et on est parti rouler pour se réchauffer. 5° au compteur (voir un peu moins) et une brume épaisse, les conditions étaient loin d'être agréables pour rouler. On a quand même rigolé sur cette absence de visibilité, je remarquais que si les professionnels avaient ce temps les commentateurs ne pourraient pas parler des monuments culturels le long du parcours (ces châteaux, ponts et moulins séculaires, ...) ni montrer les décorations immenses des spectateurs visibles uniquement du ciel. Ils se retrouveraient obligé de commenter la course, et seulement la course, ce qui ne serait pas dans leurs habitudes.
Après seulement 14 kilomètres (soit une vingtaine de minutes) d'échauffement, le premier secteur pavé (n°28, le numéro du secteur étant décroissant jusqu'à l'arrivée) s'est présenté à nous. La guerre a commencée. Je vous le donne en avance : les pavés ont gagné la bataille et m'ont fait vivre un enfer. Au vu du nombre de bidons au sol dès les 100 premiers mètres de pavés, la bataille devait faire rage depuis un bon moment. La journée sera un carnage de bidons et de chambres à air, du fossé gauche au fossé droit en passant par le centre du pavé.
Les 4/5 premiers secteurs se sont bien passés. La poussière volait et, à cause de l'humidité liée à la brume, restait collée sur le vélo comme sur l'équipement. J'ai abordé ces premiers secteurs relativement confiant, restant bien au centre des pavés sur la portion la moins défavorable. Ma confiance venait de mes succès lors de la campagne de Belgique : sur les pavés flamands, j'avais réussi à rouler sans subir, j'étais parfaitement maitre de mon sujet. J'avais malheureusement oublié que les pavés français ne sont pas les pavés flamands, que leur conception comme leur entretien est radicalement différent.
Entre les secteurs, avec Nicolas, nous trouvions à chaque fois des groupes. Parfois nous roulions devant sans avoir de soutien, d'autres fois le groupe s'organisait et passait des relais sur 2 files (montante et descendante). Le vent soufflant du nord vers le sud et notre itinéraire étant du sud vers le nord, on a eu un vent défavorable toute la journée. Chaque renfort était le bienvenu.
A partir de la trouée d'Arenberg (secteur n°18), j'ai compris toute la signification de l'Enfer du Nord. J'avais déjà mal aux mains avant de l'aborder. Après 8 minutes de bataille sur des pavés incroyablement impraticables, j'en avais déjà marre de ces fichus pavés. Sur la partie finale de cette ligne droite interminable, j'ai pensé "je veux bien monter 20 fois le Koppenberg ou le Paterberg, mais je ne repasserai plus jamais la trouée d'Arenberg". Pour vous dire la longueur de la tranchée et le temps nécessaire pour la parcourir, j'ai eu le temps de me demander si je préférais monter 20 fois le même ou 10 fois chacun des deux. Tout était bon pour occuper mon esprit et lui éviter de penser à ces secousses insupportables, à la douleur ressentie dans les bras, à cette tranchée qui ne semblait plus avoir de fin.
J'ignorais que mon calvaire ne faisait que commencer. Les secteurs pavés se sont enchaînés, les parties asphaltées paraissant trop courtes et les secteurs pavés paraissant trop longs. J'ai commencé à quitter le haut du pavé dans le secteur numéro 12 ou 13. Un secteur dans lequel j'avais chuté, justement car je passais sur le bas côté, lors de la reconnaissance que j'avais faite 3 semaines avant l'épreuve en 2011. Mon cerveau tournait à plein régime pour se remémorer tous les pièges qu'il avait enregistré à l'époque. Je me suis souvenu des petites margelles en béton qu'il fallait éviter sur le bas côté, puis des petites plaques de goudron sur la fin du secteur.
J'ai tenu la douleur sans trop me plaindre jusqu'au ravitaillement du moulin de Vertain. J'en avais franchement marre, j'avais envie que ça s'arrête, mais la douleur était encore supportable. Lorsqu'on est reparti après 10 minutes d'arrêt au ravitaillement, j'étais incapable de tenir mon guidon. Les avant-bras, les poignets et les doigts étaient devenus durs comme du bois et chaque vibration est devenue une torture. Je voulais rester au centre du pavé mais j'étais incapable de tenir plus de 5 mètres. J'ai fait tous les derniers secteurs en passant sur le côté autant que je le pouvais. Je préférais rester derrière quelqu'un de plus lent plutôt que remonter pendant quelques mètres sur le pavé pour le doubler. Je n'avais jamais ressenti, jusqu'à présent, une douleur physique aussi violente sur de l'instantané. Je sais ce que fait une douleur vive et longue, comme une brulure qui est vive d'abord puis s'estompe petit à petit. Mais une telle douleur sur un mode ON/OFF/ON/OFF chaque seconde, je n'avais jamais connu ça. Un enfer, à en pleurer sur son vélo. Un enfer que je me suis juré de ne plus jamais revivre.
Une fois le carrefour de l'arbre franchi, je savais que c'était presque terminé. Je n'ai pas vu Nicolas s'arrêter à la fin du secteur, j'ai continué au sein du groupe dans lequel j'étais. J'avais encore de bonnes jambes, j'ai pu prendre mes relais sans rechigner, mais chaque plaque d'égout ou ralentisseur à passer me donnait envie de me couper les bras. Les 2 derniers kilomètres avant l'entrée sur le vélodrome, dans Roubaix, ont été effectués au milieu de la circulation automobile pour la première fois depuis le départ.
Juste avant la flamme rouge du dernier kilomètre, alors que j'étais arrêté à un feu rouge, une automobiliste a baissé sa vitre pour me demander si j'étais un professionnel en reconnaissance avant la course du lendemain. Ca m'a fait sourire, je lui ai répondu que non, et que vu ce que je venais de subir, il était hors de question de recommencer le lendemain. Le dernier secteur pavé, en bon état, était juste avant l'entrée sur le vélodrome. Je l'ai esquivé en passant sur la route goudronnée jusqu'au bout. J'ai franchi la ligne d'arrivée sur le vélodrome avec les deux bras levés, comme la semaine dernière à Oudenaarde. Sur le vélodrome, je n'ai pas pris de risque en restant sur la ligne d'azur et dans le couloir de sprint.
J'étais heureux d'en avoir terminé avec cet enfer, et satisfait d'avoir bouclé les 7 classiques flandriennes sans connaitre d'incident. Malgré la douleur ressentie, j'étais pleinement heureux d'avoir réussi cette épreuve. Je ne la ferai pas toutes les années, mais je ne regrette absolument pas de l'avoir faite cette année, à fortiori dans le cadre de mon défi.
Consultez le parcours.
Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés aux classiques flandriennes.
Félicitations !!
RépondreSupprimerEt côté matériel, tu avais quoi ? Tubeless ? Quelle section et quelle pression ?
Mes roues tubeless étaient toujours chez DT Swiss quand je suis parti prendre mes quartiers en Belgique, je n'ai donc pas pu les utiliser.
RépondreSupprimerJ'ai fait toute la campagne avec une paire de ksyrium, pneu michelin lithion 2 en 25mm (sachant que Michelin est en général bien plus gros que la largeur officielle) gonflé à 7kg. La pression était impeccable sur les pavés belges, mais bien trop importante pour les pavés français, d'où mes douleurs. l'erreur est la.
Exact. 5.5 à 6 bars auraient suffit.
RépondreSupprimerVoire des pneus en 27/28mm, mais encore faut-il que ça passe sur le vélo.
Par contre, 0 pointé pour DT Swiss sur ce coup là. Elles sont en SAV depuis combien de temps ?
Un grand bravo pour la réalisation des flandriennes, car mine de rien ça représente un gros morceau (enfin plusieurs !!)
RépondreSupprimer@+ yvan
Bravo à toi, j'étais sur le 141km est j'ai fini HS (pire que l'année dernière). Tu étais à quel hôtel sur Roubaix, on était peut être dans le même?
RépondreSupprimerEh bien, à voir simplement les photos sur Facebook, je n'imaginais pas à quel point cela avait été difficile physiquement. L'Enfer du Nord mérite donc bien son nom !
RépondreSupprimer@guillaume : en effet, en 2011 j'avais mis 6 bars et j'étais passé sans soucis. Mon poids étant de 62kg, j'avais de la marge et j'aurai du avoir la lucidité de dégonfler légèrement après les premiers secteurs, surtout que j'avais une assistance avec des roues de rechange et une pompe en cas de besoin ... (cf l'article précédent).
RépondreSupprimerPour la paire de roues tubeless, elle est en SAV depuis le 14 février, une date facile à retenir.
@yvan : merci beaucoup. en effet, c'est un gros morceau mais c'est aussi un gros plaisir et une grande satisfaction à la fin ;-)
@maximilien : j'étais à l'hotel campanile de roubaix, il n'y avait pratiquement que des anglais et des néerlandais ...
@franck : sur la dernière série de photos publiée, j'ai la bouche ouverte malgré la poussière ... si ça avait été un film, tu m'aurais entendu pousser de petits cris de douleur. Après, en général, je ne montre pas quand j'ai mal, je garde un visage assez neutre ce qui est parfois déroutant pour les personnes autour.
On était dans le même, et je suis presque sur que tu étais au rez de chaussée chambre 2 ou 4 ;) non ??
RépondreSupprimerBonjour Florian, étant sur Villefranche S/Saone, je me demandais si tu avais trouvé des routes d'entrainements dans le coin, te permettant de t'habituer un peu aux pavés?
RépondreSupprimerA
Mathieu
Salut Mathieu,
SupprimerIl y a quelques routes à Lyon qui sont pavées, mais les pavés de ville sont très différents des pavés de Paris-Roubaix : ils sont alignés et en bon état, plus petits et mieux joints. Ca ne vaut pas vraiment le coup de les utiliser. En revanche, je n'ai pas trouvé de route de campagne pavée dans la région.
Florent