La première épreuve de la journée a été de rentrer sur le circuit : toutes les routes de la bourgade étaient bloquées, on est passé de petite ruelle en petite ruelle jusqu'à trouver l'entrée ... permettant de s'engouffrer dans de nouvelles ruelles spécifiquement bloquées pour que les coureurs puissent se garer. Bon, au passage il a fallu montrer patte blanche plusieurs fois. J'ai fait la route en compagnie d'autres français résidant pas loin et effectuant les mêmes épreuves que moi : on se groupe afin de mutualiser les compétences et le matériel, et pour se sentir moins seul au milieu des flamands.
J'ai récupéré mes dossards et les accréditations pour mes accompagnatrices (ma compagne et ma belle-mère). Pour la première fois de ma vie j'ai reçu 3 dossards neufs : je suis plus habitué à un dossard, parfois deux dossards à placer dans le dos ... ici c'était un dorsal et deux à placer sur les épaules. Ces dossards là seront accrochés sur mon mur des trophées dès mon retour à la maison.
Ici le coureur est roi. Le coureur Elite, lui, est même empereur. Plusieurs personnes sont venues me demander des cartes coureur (une photo de moi imprimée sur une carte postale), des personnes m'ont couru derrière en me criant "photo photo" pour faire une photo avec moi. Un photographe m'a pris dans plusieurs positions et un autre photographe lui a dit "tu as eu beaucoup de chance de l'avoir celui-la" ... je ne savais pas que faire des photos de moi était une chance.
En me rendant et en revenant de la reconnaissance du circuit, Clémence m'a fait remarquer que tous les regards étaient braqués sur moi (et sur les coureurs de manière globale). Les personnes cherchaient qui j'étais et tentaient de reconnaitre mon visage en faisant abstraction du maillot. J'ai cru que c'était la beauté de Clémence qui attirait leurs regards, mais vu que c'était avec moi que les gens voulaient être pris en photo, cette hypothèse n'a pas tenu bien longtemps. Miss Univers pourrait déambuler tranquillement dans les paddocks sans attirer le moindre regard. Mais qu'elle n'oublie pas ses bottes.
(Sven Nys, l'idole de tout un pays)
J'ai fait 2 tours de reconnaissance du circuit. Le timing est assez serré : on avait une fenêtre de 30 minutes entre la course des -23ans et la course des femmes. C'est le seul créneau pour reconnaitre le circuit, du coup je me suis retrouvé entre Wout Van Aert (qui attendait devant moi que l'épreuve précédente se termine) et mon idole Sven Nys (qui attendait derrière moi). Je les ai suivi un instant, admirant leur décontraction et leur facilité de contact avec les fans : ils se prêtent sans aucun soucis aux photos et aux autographes, ils sont souriants, ils font un signe de tête ou de main à tous les coureurs ... c'est assez inimaginable.
J'ai donc profité du créneau horaire pour faire deux tours de reconnaissance. Le premier pour découvrir le circuit dans sa globalité, le second pour tester différentes trajectoires quitte à faire demi-tour sur 20 mètres et à recommencer. J'ai essayé de mémoriser un maximum d'éléments : changements de vitesse à ne surtout pas manquer, trajectoires obligatoires, obstacles ... de jour on voyait bien les obstacles mais de nuit je ne savais pas trop ce que ça allait donner.
J'ai nettoyé mon vélo et fait quelques photos avec des passionnés. Au passage, le célèbre commentateur de Sporza m'a demandé de lui mettre un coup de jet sur ses chaussures pour en retirer la boue. L'image était étonnante. J'ai ensuite attaqué la deuxième partie de l'échauffement. Elle s'est faite sur Home-Trainer en compagnie des autres français, pendant que la course des féminines avait lieu.
25 minutes avant le départ, j'ai terminé mon échauffement sur Home-Trainer et ai rejoint la zone de départ. Comme tout le monde, j'ai patienté en tournant sur la ligne droite d'arrivée. 10 minutes avant l'heure fatidique tous les coureurs se sont regroupés pour un appel nominatif ... accompagné d'un contrôle de la largeur des pneus. Je ne ressentais pas trop de pression, je discutais et rigolais avec d'autres français. Un coup d'oeil sur le cardio de temps en temps m'a montré qu'à l'approche du départ le coeur montait doucement alors qu'avec le repos il aurait du descendre ... visiblement, j'avais quand même une certaine pression. J'ai donné mes habits superflus à ma compagne, venue m'assister sur la ligne de départ en plus de son rôle habituel de photographe.
J'ai compris en flamand une instruction voulant dire "départ proche" puis un coup de sifflet a libéré tout le monde. Le bruit des spectateurs tapant sur les panneaux publicitaires était assourdissant. Rien qu'à ce moment là, les pédales à peine clipsées, j'avais mon lot d'émotions. En fin de ligne droite, une petite chute impliquant deux coureurs s'est produite sans me gêner. Je suis resté dans les dernières positions et j'ai géré mon retard vis à vis des coureurs qui me précédaient pour ne pas avoir à poser le pied par terre ni me faire bloquer dans le bouchon. J'ai laissé passer sans faire de zèle les deux coureurs qui étaient tombés quand ils sont revenus à ma hauteur.
Les participants ont filé les uns après les autres. Pour le coup, après un tiers de circuit, il n'y avait plus de bouchons à éviter ... et si j'étais derrière c'était simplement parce que les autres étaient nettement plus forts que moi. Je me suis retrouvé seul sur le circuit avec les flashs me crépitant dans les yeux et les encouragements juste pour moi. J'ai réalisé à ce moment à quel point Koman (le "Allez" flandrien) ressemblait à mon prénom. La zone haute du circuit était particulièrement bruyante : autour du bac à sable et des planches c'était la folie. C'était là qu'étaient rassemblées la majorité des difficultés. Ca avait un petit gout de paradis, j'avoue en avoir eu les larmes aux yeux dès mon premier passage.
J'ai bouclé mon premier tour en moins de 10 minutes, soit le temps au tour des meilleurs les années précédentes. Avec les conditions météo du moment, le circuit était très sec, très roulant, avec peu de difficultés techniques. Mais de très grosses difficultés physiques dont la répétition était usante. J'avoue que ça m'a bien arrangé, les parties techniques ne sont pas
J'ai entamé mon deuxième tour en sachant que ce serait mon dernier alors j'ai profité de chaque instant, de chaque cri, de chaque applaudissement et de chaque flash. Mon regard fatigué croisait celui de gens heureux qui me redonnaient la pêche. Des encouragement en français, parfois même mon prénom, étaient comme une tape dans le dos pour la relance suivante. Physiquement j'étais bien, techniquement j'étais propre, mais parmi l'élite mondiale ce n'était pas suffisant. J'ai commis une minuscule erreur qui m'a envoyé près d'un poteau. Je maitrisais parfaitement la trajectoire qui m'était imposée par une ornière, mais avec la nuit je n'ai pas vu que le poteau tenait une ficelle qui s'est prise dans mon guidon et m'a forcé à poser pied à terre. De précieuses secondes se sont envolées, d'autant plus que j'ai eu du mal à me défaire de cette corde. J'ai su que cette fois c'était la fin, et ça m'a été confirmé un peu plus loin en croisant les leaders. Je savais qu'ils allaient me manger sans que je n'aie le temps de faire un troisième tour.
Vu leur proximité, je suis resté sous pression physiquement mais j'ai gardé l'esprit ouvert et ai savouré ces ultimes moments au paradis. Ces gens étaient heureux d'être là, je l'étais également. J'ai tapé dans des mains : à l'origine j'avais remarqué quelques enfants qui m'avaient encouragé bruyamment au tour précédent et qui recommençaient à mon arrivée. A peine j'ai tapé dans la main des enfants que toute une rangée de mains se sont tendues devant moi. J'ai adoré et en levant la tête à la sortie de la ligne droite j'ai vu qu'une caméra était braquée sur moi. J'ai prié pour que la réalisateur ne décide pas de diffuser cet instant partagé en secret avec ces gens. J'ai surtout prié pour que les autres organisateurs ne remarquent pas la faiblesse de mon niveau sportif.
A l'issue du deuxième tour, j'ai été stoppé et invité à quitter le circuit. J'avoue que j'étais cuit physiquement après 20 minutes de course incroyablement physiques. Trois minutes plus tard, les cadors passaient dans mon dos. J'avais un peu plus de marge que ce que je pensais, mais elle ne m'autorisait pas d'erreur ni de relâchement pour autant.
J'ai adoré cette expérience. Ca a été un moment d'une rare intensité. J'ai pourtant connu les supporters déchaînés sur le Tour de Fête, notamment dans les Pyrénées et à l'Alpe d'Huez ou sur les champs Elysées. Ces ambiances sont différentes et incomparables, je ne choisirai pas laquelle des deux est la meilleure, mais dans les deux cas cette proximité avec un public en délire est vraiment géniale. J'ai été encouragé comme si j'étais le premier par 25 000 spectateurs, croyez moi c'est inoubliable. J'avais rêvé de ce moment plusieurs fois; J'avoue que la réalité à dépassé mes rêves les plus fous. Si c'était à refaire, je le referai demain sans hésiter et sans rien changer. Je me couche ce soir avec des étoiles plein les yeux.
(Clémence, ma compagne, qui m'accompagne toujours avec le sourire dans mes aventures)
Je tiens à remercier tous ceux qui étaient à mes côtés pour m'aider : ma compagne, ma belle-mère, Clément, Christophe, Gilles, les quelques supporters qui m'ont encouragés spécifiquement (j'ai reçu quelques messages inattendus via les réseaux sociaux de personnes sur le bord du circuit) et tous ceux qui ont fait du bruit à mon passage.
Vous trouverez une centaine de photos sur ma page Facebook, mes données sur Strava et le classement.
Merci d'avoir partagé un peu d'étoiles avec tes lecteurs...
RépondreSupprimerC'est avec grand plaisir que je partage mes expériences extraordinaires d'homme ordinaire.
SupprimerBravo Florent !
RépondreSupprimerJe viens de visionner le départ, c'est très impressionnant ! D'ailleurs on aperçoit la chute et toi qui passe sur la droite...
http://www.velo-club.net/forum/le-forum-des-fans-de-la-petite-reine/62854-cyclo-cross-saison-2015-2016?start=360
Kangooman ;-)
En regardant les images, je me rends compte à quel point la télé écrase les difficultés. On ne se rends pas bien compte à l'image de la raideur des bosses aussi bien à la montée qu'à la descente.
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