vendredi 13 mai 2011

Tour des Grands Ducs : étape 3

Dimanche avait lieu la troizième étape du Tour des Grands Ducs, une course à étapes en 3 tronçons : une course en ligne de 90km le samedi matin, un contre-la-montre par équipes le samedi après-midi, et une course en ligne de 120km le dimanche (décrit dans cet article).


Le départ était donné depuis le petit village de Minot, situé dans le Morvan à environ 1h au Nord de Dijon. Quand je dis petit village, je devrai presque dire hameau tant il s'agit d'un pâté de maisons regroupées autour d'une église : le recensement de 1999 indique que 229 personnes vivent dans la commune (dont certains habitent en dehors du village) ... et vu l'âge des habitants il y a de fortes chances pour que la population soit désormais inférieure aux chiffres de 1999.

Malgré le peu d'habitants, tout le village était regroupé ce matin devant l'église. Sur les 220 habitants encore vivants et en mesure de se déplacer, je pense que 100% de la population était présente au départ pour nous encourager ... et pour regarder le "festival" organisé en commémoration de l'armistice du 8 mai. Du point de vue des festivités de commémoration, le village a fait les choses en grand : tous les hommes étaient déguisés en résistants ou en soldats américains, certaines femmes portaient des tenues civiles d'époque (j'ai vu une infirmière militaire qui ne laissait d'ailleurs pas de marbre ...), certains gamins étaient eux aussi travestis ... les fusils, camions, jeeps, tentes de campagne, drapeaux américains, ... étaient également de sortie.

profil de la course

A 11h30, nous étions lâchés sur un parcours vallonné composé de 4 boucles. Après 3 premiers kilomètres neutralisés, la course a démarré piano : le peloton ne s'est pas opposé à la sortie de plusieurs coureurs en ordre dispersé ... 120km plutôts rudes étant au programme, un groupe de 3/4 échappés n'avait quasiment aucune chance d'aller au bout ! Tout le monde est resté relativement sage sur les 12 premiers kilomètres : la moyenne était aux alentours de 34km/h ... du rarement vu à ce niveau !

A Atalante, au 17ème kilomètre, un coup de cul dans le village a animé les choses : une première bataille a duré 2 kilomètres pendant lesquels une vingtaine de coureurs mal placés se sont fait piéger. Je me suis tapé une première chasse pour revenir dans le peloton, encourageant Franck (du TVS) à mon passage à sa hauteur. L'accélération n'ayant pas duré trop longtemps, tout le monde est rentré au prix d'une chasse plus ou moins longue. Pour m part, je ne me suis pas affolé et suis rentré sans soucis. L'allure piano a repris, mais des accélérations secouaient le peloton dans les derniers hectomètres de chaque bosse avant que le tempo tranquille ne reprenne ses droits jusqu'à la bosse suivante.

Dans la descente au kilomètre 35, alors que je suis à 70km/h, je me fais gêner par une moto ce qui créé un trou : à une telle vitesse, ce n'est pas évident de combler un écart de 25m ! Je me suis tapé une nouvelle (courte) chasse inutile. Au moment où je suis rentré, j'ai vu mon collègue s'arrêter sur le bord de la route pour un problème mécanique. A 50km/h, je n'ai même pas eu le temps de me poser de questions : le temps de voir que c'était lui j'étais déjà loin ! Je me demande comment font les pros dans ce genre de cas : ils doivent avoir une capacité d'analyse et de réaction hallucinante, car à cette vitesse les coureurs arrêtés sur le côté défilent très vite. Heureusement c'était un problème bénin, il est reparti immédiatement et est rentré sans soucis.

Aux alentours du 45ème kilomètre, les choses se sont progressivement animées : 8km de montée continue, grimpés au train sans attaques, se sont chargés d'éliminer les plus faibles. 2 coups de culs assez sévères m'ont forcé à effectuer 2 nouvelles chasses, seul dans le vent, pour rentrer sur un peloton lancé plein gaz. La course s'est définitivement lancée à ce moment là. A la fin de la 1ère boucle, longue de 56km, j'étais donc à l'arrière du peloton et mes chasses successives avaient entamé inutilement mes forces.

J'ai sauté au 58ème, mais cette fois je me suis fait décrocher à la pédale. Les décrochages précédents étaient dû aux coureurs devant moi qui craquaient et laissent un trou ... cette fois c'était bien moi qui me suis retrouvé à craquer ! J'ai résisté seul, puis dans un groupe de 4 (dont mon équipier Sébastien), puis de 7 (dont mes équipiers Sébastien et Fabrice). On a effectué 7km de chasse, 250m derrière le peloton. Lorsque les voitures des directeurs sportifs nous ont dépassé, on a pu profiter de l'aspiration pour revenir à une centaine de mètres, ... sans réussir à rentrer. On a fini par se résigner, en se disant que de toute manière si on réussissait à rentrer on sauterai immédiatement dans la bosse suivante. On a levé le pied, et j'en ai profité pour me ravitailler à l'arrière du groupe.

A Grancey-le-chateau, la route tournait sur la droite et empruntait un gros raidard : 250m aux alentours de 12 ou 15% (pourcentage donné au feeling). J'avais beau être celui présentant du point de vue morphologique les meilleures aptitudes pour passer un tel coup de cul, je suis passé en dernière position du groupe ... j'ai pris un gros coup de barre sur la tête ! Juste après avoir basculé dans la descente, alors que j'étais en dernière position du groupe en train de récupérer, un motard est venu me parler : en pleine descente, avec des virages, alors que je ne la connais pas, je n'ai pas trouvé ça bien malin de venir me parler ... d'autant plus qu'il se tenait trop loin de moi et que par conséquent je n'entendais rien du tout à cause de la vitesse !

J'ai fini par comprendre qu'il me demandait si je souhaitais qu'il nous ouvre la route. Bien sûr que je le voulais, il faudrait être idiot pour répondre négativement à une telle question ! Il s'est donc mis devant sur les 300 derniers mètres de la descente et a attaqué à 50km/h la bosse suivante dont le pourcentage était encore aux alentours des 10% : on a tenu 50m à cette vitesse, lui a continué sans se retourner, on ne l'a jamais revu ... ce n'était pas bien sérieux ça ! Bref. Je me suis de nouveau retrouvé à l'agonie dans ce coup de cul, trouvant comme motivation le fait que le classement par équipes de notre équipe se jouait sur mon chrono et que par conséquent je me devais de tenir bon pour mes équipiers.

Au passage dans le village de Courlon, au sommet d'une nouvelle portion bien pentue, une vingtaine de gosses et des adultes nous ont encouragé de toute la force de leurs poumons et de leurs mains. Le bruit produit était impressionnant, j'en ai eu des frissons tellement c'était touchant ! Ca m'a fait un électrochoc, de voir que ces gamins à qui on n'avait rien demandé avaient plus de ferveur que moi qui étais au coeur de l'évènement sur mon vélo ... j'ai retrouvé un second souffle et une nouvelle source de motivation mentale, et suis remonté prendre mes relais malgré la douleur liée à la fois à la distance (80km vallonnés venaient d'être couverts) et à mes blessures de la veille. J'ai de nouveau pris des relais à intervalles réguliers afin d'aider mes 2 coéquipiers qui assuraient seuls le travail en tête de groupe.

On a ainsi bouclé le 2ème tour, et on s'est lancé dans la 3ème boucle. Lors du briefing des équipes, il avait été dit que les coureurs attardés n'auraient pas à effectuer la dernière boucle et seraient donc arrêtés au 102ème kilomètre. Sur la fin de la boucle, j'ai donc pris de gros relais pensant être dans les derniers kilomètres de l'épreuve. Ca sentait bon l'écurie et le repos bien mérité ! Je me finissais donc les jambes dans les derniers kilomètres, pensant dèjà à ce que j'allais bien pouvoir raconter sur Twiter dans quelques minutes tout en tâchant de perdre le moins de temps possible en vue du classement par équipes.

On termine donc cette 3ème boucle, contents de nous. Malheureusement les signaleurs nous ont indiqué la route vers la dernière boucle : nous n'étions pas si en retard que cela, nous avions donc le droit (ou plutôt le devoir) de continuer le parcours jusqu'au bout ! Moi qui venais de livrer mes dernières forces dans la bataille, et étais déjà psychologiquement dans une optique de "c'est fini", me voilà obligé de repartir pour 16km de bosses supplémentaires. Et les 2 premières bosses étaient sacrément corsés. J'ai complètement craqué dans la 2ème : j'ai pris un dernier bidon d'eau auprès de la voiture suiveuse et ai indiqué à mes compagnons de continuer leur route sans moi, que j'allais finir le parcours tranquillement. Mes coéquipiers ont alors joué leur rôle et m'ont soutenu moralement, m'incitant à continuer jusqu'au bout avec eux. Je les en remercie, leur rôle à mes côtés à été crucial, tant physiquement que moralement. Ils ont été formidables !

Dans les bosses suivantes, ils ont adapté leur allure à la mienne pour m'offrir un maximum d'abri. A 6km de l'arrivée, j'ai profité d'un moment plus calme pour me ravitailler en avalant coup sur coup 3 pâtes de fruit. J'ai immédiatement retrouvé des forces comme si j'étais sur la ligne de départ. J'ai pensé à une illusion, la route étant un long faux plat descendant et la vitesse n'y étant pas extraordinaire puisque mes équipiers récupéraient de leurs efforts. Dans les deux derniers kilomètres, en montée jusqu'aux 500 derniers mètres, je me suis placé en tête et ai accéléré. Je me suis senti facile, et ai été surpris de voir que le reste du groupe peinait à suivre. L'effet des barres de fruit a été sensationnel ! J'ai foncé jusqu'à l'arrivée, ayant pour unique objectif le temps en vue du classement par équipes. Je me suis arraché jusqu'au bout.

Je me suis arrêté 5m après la ligne d'arrivée. J'étais vidé, à bout de forces physiques et mentales. Je me suis battu à la fois contre les autres en début d'étapes, contre le vent en milieu, puis enfin contre l'envie de lâcher l'affaire et de finir "en touriste" le parcours. Je me suis retrouvé avec la tête posée sur le guidon, la respiration très forte et très rapide (à la limite de l'hyperventilation), quelques larmes de douleur et de satisfaction coulant le long de mes joues tout en embrumant mes lunettes.


Le parcours m'a paru costaud, d'autant plus quand on le fait lâché et donc avec moins d'abri et d'émulation que dans un peloton. Cette course exigeante m'a marqué, mentalement et dans ma chair. Je crois que sans l'aide de mes équipiers j'aurai lâché l'affaire. Je les remercie vraiment car avec le recul je suis fier d'être allé au bout. Je suis classé en 36ème position de l'étape, ce qui me donne la 37ème position au classement général de l'épreuve.

Consultez le parcours de la course.

Vous pouvez consulter ici l'ensemble des articles consacrés au Tour des Grands Ducs.

5 commentaires:

  1. Dur dur, cette dernière étape. Moi j'ai été décroché vers le 50ème kilomètre. Et je confirme, à Courlon, c'était super. Dès qu'ils voyaient un coureur arriver au pied de la bosse, ils lançaient les encouragements et ça donnait un sacré coup de fouet. J'ai regretté de ne pas faire un petit geste, du genre le pouce levé, pour les remercier de leur enthousiasme. C'est là aussi qu'on se dit que les pros doivent se sentir pousser des ailes, dans les cols du Tour de France, quand des centaines de milliers de spectateurs donnent de la voix pour les soutenir.

    RépondreSupprimer
  2. bonjour , et bien c'est une jolie etape que tu as faite . Felicitation pour ta place c'est pas mal .

    RépondreSupprimer
  3. Bonsoir joli article , toujours au sujet du velo de clm pensse tu pouvoir le reutiliser et donner ton avis sur se velo , il a une belle tete mais bon un avis objectif c'est mieux si c'est possible .

    RépondreSupprimer
  4. J'aime cet article, ça parle tellement vélo...
    On sent que tu t'es défoncé jusqu'au bout, malgré l'inattendu 4ème boucle.

    RépondreSupprimer
  5. @franck : idem, j'ai voulu lever la main à Courlon mais c'était quand même relativement pentu et comme j'étais en danseuse je n'ai pas pu ...
    Pour avoir grimpé le ventoux en 2009 quelques heures avant le passage des pros (lors de la fameuse étape à la veille des champs Élysée), je te confirme que c'est impressionnant la foule qui s'ouvre au dernier moment devant toi, et où tu ne vois pas la route.

    @anonyme(s) :
    - pour la place, c'est surtout une place de la persévérance : nous étions 70 au départ et je suis dans les derniers classés, les autres ayant abandonnés
    - je ne pense pas réutiliser rapidement le vélo de CLM, désolé ... mes prochaines épreuves de ce genre sont en septembre/octobre
    - oui, je me suis défoncé jusqu'au bout, même s'il y a eu des hauts et des bas (notamment quand il a fallu faire cette fameuse 4ème boucle, j'avais le moral dans les chaussettes)

    RépondreSupprimer