vendredi 15 novembre 2013

Le compteur, dictateur du plaisir de rouler ?

L'autre jour, je suis tombé sur le billet écrit par une personne sur un forum, traitant du sujet des compteurs et de l'esclavagisme qu'il provoquait. Ce n'était qu'un article de plus, il y en a beaucoup sur internet qui s'amusent à se moquer des possesseurs de compteurs (à fortiori lorsque ce compteur est couplé à un capteur de puissance). Je vais m'amuser à démonter les arguments les plus courants de la part des opposants aux capteurs et compteurs.


1 - Le compteur empêche de regarder le paysage ?
C'est l'argument qui revient le plus souvent : "je ne mets pas de compteur, je préfère regarder le paysage". Je suppose que ces personnes n'ont ni télé ni téléphone, sinon elles passeraient leur temps au téléphone devant leur télé ... il est bien connu que dès qu'on possède un écran, notre regard ne peut plus s'en échapper. Ou peut-être est-ce lié à l'affichage de chiffres qui bougent en permanence ? Je comprendrais mieux pourquoi certains automobilistes sont aussi dangereux : ils ont les yeux rivés sur le tableau de bord (qui affiche vitesse, compte-tour, heure, parfois la consommation, la station de radio, la température de l'huile, ...) et ne regardent plus la route !
Un compteur n'est pas à regarder en permanence et n'empêche pas de profiter du paysage.

2 - A-t'on besoin d'un compteur pour s'entraîner ?
Un certain nombre de cyclistes expliquent qu'ils n'ont jamais eu besoin de compteur pour s'entraîner. C'est tout à fait vrai. Je n'ai pas besoin de compteur de vitesse sur ma voiture pour rouler ... et n'ai encore moins besoin du compte-tour et de la température de l'huile ni de ma jauge d'essence. Cependant, si je veux respecter les consignes du code de la route, l'affichage de la vitesse est intéressant : je sais estimer à vue, par expérience, quand je suis autour de 50km/h, mais dire précisément si je suis à 45 ou 55km/h, c'est déjà plus compliqué. Idem pour mon niveau d'essence, je sais en gros quand j'ai besoin de faire le plein mais sans aucune aide (pas même la distance parcourue) c'est tout de même compliqué.
Pour savoir où j'en suis vis à vis de mes limites physiques et quand j'ai besoin de me ravitailler, le compteur n'est certes pas indispensable mais il facilite grandement les choses.

3 - Qu'est-ce que le plaisir de rouler ?
Comme je l'expliquais début octobre dans une vidéo, il y a différentes sources de plaisir quand on fait du vélo. Et ces plaisirs sont plus ou moins grands selon chacun : le plat préféré de certaines personnes va être à base de viande tandis que pour d'autres, leur met préféré sera un dessert. Les aficionados de viande prennent-ils moins de plaisir que les aficionados de desserts ? J'en doute fort.
Dans le plaisir de rouler, il y a plusieurs composantes : la météo (le soleil aide grandement), le lieu (en vacances dans un endroit inédit par exemple), les personnes présentes et les circonstances (course, vacances, défi particulier, ...). Il y a le plaisir direct (celui ressenti instantanément) et le plaisir indirect (celui qu'on ressent après l'effort) : celui qui fait une épreuve de 24h en solitaire va avoir des moments sans aucun plaisir pendant l'épreuve, risque de connaître la souffrance même, mais quelques jours plus tard il aura grand plaisir à se dire qu'il a réussi son défi.
Qu'on fasse 24 heures en solitaire ou des séries de 15"/15", avoir un compteur ne change rien à l'absence de plaisir ressenti sur le moment et au plaisir ressenti dans les jours qui suivent.

4 - L'exemple Thomas Voeckler
Parmi les personnes les plus souvent utilisées pour montrer qu'on peut obtenir de bonnes performances sans aucun capteur, Thomas Voeckler est probablement celui qui revient le plus souvent. Si Thomas Voeckler n'est pas un modèle d'utilisation des dernières technologies, il n'est pas non plus un modèle de sécurité (il a attendu l'obligation de porter un casque pour en porter un, comme le montre cette photo quand il était maillot jaune du Tour 2004) ni un modèle de comportement cycliste écologique (il a tendance à balancer beaucoup de choses dans la nature, comme lors du Tour de Lombardie cette année où il a jeté de la nourriture que son directeur sportif venait juste de lui tendre). Pour en revenir sur sa non utilisation de compteur, d'une part il n'en utilise pas en course mais en utilise tout de même à l'entraînement afin de communiquer avec son entraîneur, d'autre part je doute qu'en course il ait le temps d'apprécier le paysage et prenne du plaisir direct. Enfin, lorsqu'il est en course, certes il n'a pas de compteur mais dispose de données sur la distance restante et sur les écarts entre les groupes grâce à son directeur sportif et à l'ardoise ... il dispose donc de données qui lui permettent de gérer ses efforts.
L'exemple de Thomas Voeckler n'est donc pas un bon exemple dans le cadre d'une démonstration sur l'inutilité des compteurs. En revanche, il fait un exemple remarquable (et peut donner beaucoup de leçons dans le domaine) sur sa capacité à interagir avec le public et les médias.


Voilà, les 4 arguments les plus courants ne tiennent pas debout quand on les creuse un peu. Après, c'est à chacun de choisir s'il veut utiliser un compteur, dans quelles conditions et pour quel but. La pratique du vélo étant large, de celui/celle allant au travail à vélo jusqu'au compétiteur (ou la compétitrice) professionnel(le), en passant par les retraités voulant profiter de leur temps libre ... il y a des centaines de cas de figure et autant d'envies. C'est à chacun de faire son choix.

4 commentaires:

  1. Lors du dernier Tour de France, Voeckler avait tout de même un compteur Sigma Rox 10.0 GPS !!
    Sinon, d'accord avec tous tes arguments. Avoir un cardio ne m'empêche ni de regarder le paysage, ni de prendre du plaisir.

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  2. Ceux qui sont esclaves ne savent pas coupler ressenti et capteur. J'arrive très bien à me faire mes entraînements avec la puissance en profitant du paysage....avec l'habitude tu finis par savoir quelle puissance correspond à tes zones d'intensités...mais j'ai pas dit qu'avec l'habitude on pouvait se passer d'un capteur...indispensable pour gérer avec précision sa saison grâce au concept de charge puissance NP, FTP, TSS....

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  3. @guillaume : je suppose que Sigma, en tant que sponsor de l'équipe, a demandé à ce que son fleuron soit présent sur l'ensemble des vélos de l'équipe ...

    @alban : au vu des chapitres que je lis dans le livre de Coggan (le livre de Friel devrait arriver lundi), je constate en effet que c'est bien d'avoir le capteur si on veut utiliser ensuite les notions d'ATL et CTL pour anticiper ses pics de forme.

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  4. C'est même très important pour éviter d'aller dans le mur car on charge trop la mule (le coup classique du surentraînement). Personnellement je me sers du compteur/puissance/chrono pour gérer mes ascensions sur les longues épreuves (plus c'est court, plus je me fie aux sensations sans regarder la puissance), ou tout simplement les ravitaillements en liquide/solide... Car quand on a soif/faim, c'est déjà trop tard.

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